Histoire, Aérolians
Le Vieux-Pays sens dessus dessous
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Quelque part, au nord de la zone Aérolians (lire l'article concernant Aérolians), se trouve une parcelle de trois hectares. Avec la terre mise à nu. Avec des trous de toutes tailles, des talus et des amas de pierres. Des bâches en plastique masquent quelques endroits énigmatiques. Une pelle mécanique s’agite. Et dans ce paysage lunaire, une douzaine de personnes sonde la terre, gratte des objets, trie ce qui ressemble à des débris, étiquette chaque élément.
C’est ainsi depuis le mois d’avril. Géomorphologue, anthracologue, topographe, spécialistes de la céramique ou du bâti… L’équipe d’ArchéoLoire (organisme privé d’archéologie) menée par Pierre Rio poursuit son chantier de fouilles préventives.
Une occupation humaine très dense
« C’est un site exceptionnel, se réjouit le responsable d’opération. On a un établissement agricole romain qui recouvre une ferme gauloise. On va pouvoir étudier comment ce site a évolué depuis la protohistoire, ou l’époque gauloise, et sa transition à l’époque romaine. »
Au départ, le diagnostic réalisé par l’Institut national de la recherche archéologique préventive (Inrap) détecte la présence d’une villa romaine sur environ 10% de la parcelle. Sur place, les archéologues du bureau d’étude ArchéoLoire découvrent une douzaine de bâtiments répartis sur tout le secteur.
« Cela montre une occupation très dense, précise Pierre Rio. Probablement, un établissement romain qui organise l’agriculture des environs, centralise et coordonne les campagnes alentours. Cette installation date du 1er siècle de notre ère et poursuit son activité au moins jusqu’au 3e siècle. »
Rapidement, le site s’avère assez remarquable pour obtenir l’autorisation de prolonger les fouilles. « C’est plutôt rare, commente le responsable. La pars urbana, l’habitation des propriétaires, et la pars rustica, la partie dédiée à l’artisanat et aux activités agricoles étaient très fructueuses. »
Les archéologues ont retrouvé les vestiges d’un bain romain et sans doute un canal d’évacuation, des restes de murs et de fondations, le sommet d’une colonne et des caves, dans la partie urbana. Côté rustica, le volant d’inertie d’un tour de potier très bien conservé apparaît. Et début août un four est sorti de terre…
Une période gauloise à creuser
Une vraie mine d’or, car la terre fournit des informations précieuses. En établissant la différence entre sol géologique et substrat, les archéologues ont par exemple matérialisé l’existence de deux fosses séparant les parties de l’exploitation. Leur contenu va ensuite permettre d’interpréter l’organisation et l’aménagement du territoire.
« On retrouve des objets en pierre, en céramique, en métal, des fonds de pots, etc. Avec la stratigraphie, cela nous permet de comprendre l’activité exercée sur place, de dater la construction et l’abandon des bâtiments. » Les archéologues ont également fait ressortir de nombreux trous de poteaux.
« Ces trous fonctionnent comme un négatif de l’installation. Ils marquent la forme et l’implantation de bâtiments construits sur pilotis. » Ils montrent une occupation gauloise de taille a priori conséquente, sous l’occupation romaine. Or, le monde gaulois est beaucoup moins documenté que celui des Romains. D’où l’intérêt de la fouille.
« On doit suspendre le chantier au moment où l’on met au jour la partie gauloise, la plus intéressante », déplore Pierre Rio. L’équipe a ainsi trouvé un silo gaulois et creusé sur deux mètres… sans avoir le temps d’atteindre le fond. Début août, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société ArchéoLoire. Et donné un coup d’arrêt brutal au chantier.
Heureusement, l’Inrap reprendra ces fouilles courant septembre. « Tant mieux pour l’archéologie, mais c’est très frustrant, regrette encore le responsable d’opération. D’un côté, le Service régional archéologique nous félicite officiellement pour la qualité du travail réalisé. De l’autre, aucune solution ne permet à mon équipe et moi-même d’exploiter les données collectées et de réaliser le rapport scientifique correspondant. » Bref, le chantier de fouilles est loin d’avoir livré tous ses secrets.
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Auteur : Emmanuel Andréani