Education
Léonard de Vinci fait son cinéma
Publié le

Ça pose. Ça minaude. Ça crâne. Ça ricane. Quinze élèves de la Seconde 207 papillonnent, appareils photos en main, sur les pelouses du lycée Léonard-de-Vinci. Ils doivent réaliser des portraits « les plus variés possibles », demande Vincent Servoz, enseignant d’arts plastiques. L’objectif ? Ce n’est pas devenir un pro de la photo, mais découvrir le cinéma, comprendre comment une image se construit.
« Adrien, prend la même photo au ras du sol, conseille l’enseignant. Une photo dit des choses différentes selon la hauteur de la prise de vue.» Cadrage ou vitesse d’obturation, pendant 45 mn les élèves vont mitrailler sous la direction de l’enseignant. « On regardera tout ça sur grand écran la semaine prochaine, conclut-il. On pourra voir les différents sens que nos choix donnent à l’image. Et par extension au film…» La séance d’aujourd’hui s’inscrit dans un cadre : s’initier à la création cinématographique.
Deux courts en cours
L’arrivée d’un cours sur le « court » à Léonard-de-Vinci tient au parcours singulier du film Tremblay-en-France* et de son réalisateur. Vincent Vizioz bénéficie en effet de l’aide à l’écriture d’un long métrage attribuée par la région Île-de- France. Cette aide implique de créer des actions pour développer un lien actif avec le public. 4600 euros ont ainsi été alloués à l’organisation d’un atelier de création de courts métrages.
Et les caprices du hasard ont ramené le réalisateur aux Secondes du lycée Vinci. Ensemble, ils ont donc candidaté à l’Appel à projets de l’Équipement jeunesse et décroché un financement de 1 500 euros de la ville de Tremblay. Au programme du cours d’exploration des arts visuels : les Secondes ont six mois pour réaliser deux courts d’environ 4 mn, en participant à toutes les étapes de la production.
Pas de sinécure
« En janvier, les élèves ont commencé par imaginer des idées de scénarios, raconte le réalisateur. Puis ils ont voté pour retenir deux histoires parmi celles proposées. Un film fantastique et une comédie pour ados se sont imposés. » Impossible toutefois pour les élèves d’écrire le découpage technique du film, plan par plan, sur quatre pages, et d’apprendre en même temps le vocabulaire du cinéma.
Du coup, le réalisateur a mis sur pied un cours sur le langage cinématographique en utilisant Le Bon, la brute et le truand : « Le film de Sergio Leone est idéal pour illustrer les notions de gros plan, plan large, plan américain, travelling, etc. Ensuite, chaque élève a écrit une séquence de manière individuelle. » Le travail se poursuivra en avril avec le repérage des décors, caméra au poing, en suivant le découpage technique du film.
En mai interviendra le tournage en lui-même. Enfin, le montage débouchera en juin sur des séances publiques. «L’Équipement jeunesse nous accueillera, se réjouit le réalisateur. Nous espérons aussi projeter les courts-métrages au cinéma Tati et à La Villette, qui est partenaire du projet. » Reste à terminer les films…
Action !
Ce jeudi après-midi de mars, pendant qu’une partie des lycéens s’initie à la photographie, d’autres passent un casting en salle d’arts plastiques. Une dizaine d’élèves défile tour à tour face à la caméra, accompagnés des paroles du réalisateur. «Il y aura un seul acteur de choisi… Donc on se détend. Et on aborde l’exercice en se disant qu’on ne sera pas retenu.»
Chacun doit jouer toute une gamme d’émotions. Attendre, s’embêter, s’endormir et se réveiller en sursaut. Camper l’agacement, l’inquiétude, la panique. Pas facile d’incarner des sentiments, comme le confirme Yanis, 15 ans : «C’est dur de faire parler ses émotions. J’aimerais bien jouer dans le film, mais je me sens super stressé devant la caméra.»
Bref, c’est l’occasion rêvée de s’initier à la réalité du métier d’acteur. Difficile de mobiliser des élèves quand il n’y pas la sanction des notes. « Ça demande un vrai sens des responsabilités, concède l’enseignant. Mais ils ont su s’impliquer dans un processus pour l’instant très théorique. Ce sera plus simple au tournage.»
En l’occurrence, les lycéens n’ont pas fini d’apprendre. Ils assisteront bientôt des professionnels comme une chef-opératrice et un ingénieur du son pour le tournage. Un moment exaltant s’amuse le réalisateur : « On va constituer les équipes. Il faudra assigner des personnes au clap, au script pour faciliter le travail du monteur, des machinos pour déplacer la caméra…» Rendez-vous fin juin. À l’occasion des projections, les élèves viendront présenter leur travail aux spectateurs.
* Tremblay-en-France, grand prix du 33e festival du court-métrage de Clermont- Ferrand en 2011.
À lire également Des rêves de projets ?
Auteur : Emmanuel Andréani