Handisport
Rolling foot
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« Les gars n’oubliez pas qu’il y aura au moins deux Strike dans les rangs de Chatenay ». Le Strike, c’est la Maserati du fauteuil électrique. Des engins légers, motorisés, au plancher bas comme une Mclaren de Formule 1, dotés d’une réactivité explosive et qui se pilotent en position allongée. C’est une arme fatale, et Julio Gonzalez, l’entraîneur de football fauteuil au TAC handisport, n’en dispose pas. Face à cette puissance de feu, sa formation roule en Storm. De bons gros bourdons costauds mais un tantinet rustiques face à ces guêpes agiles. Qui s’y frotte risque de s’y piquer fort.
« Aligner un fauteuil Strike à 11 000 euros pièce, c’est quasiment compter un joueur de plus dans son équipe », assure le coach. Qui l’eût cru, la course aux armements n’épargne pas le sport adapté. Pas de quoi couper les ailes aux deux Farid, à Dominique, Mehdi et Anas, nos footeux en fauteuil du foyer d’accueil médicalisé Le Vert Galant.
Seule Laetitia manque à l’appel, ce mardi-là. Le groupe s’entraîne sur le parquet annexe du Palais des sports. Après avoir fait chauffer la gomme, place aux exercices d’agilité, feintes, tirs au but, conduite de balle, passes, stratégie… Les joueurs s’envoient un ballon énorme aux petits rebonds dans des passes dosées par leurs doigts qui manipulent à volonté la commande de la machine. Le cuir semble attiré comme un aimant sur le pare-chocs grillagé. Le harnachement aux faux airs de pare-buffle de safari remplace les deux pieds de leurs jambes invalides.
Un petit 4 contre 4 conclut chaque séance. Le TAC handisport évolue en championnat de France niveau Nationale (l’équivalent de la 4e division). Une rencontre se boucle en deux fois 15 minutes. Elle oppose deux équipes comprenant un gardien, un milieu de terrain et deux attaquants. L'objectif, on l’aurait deviné, catapulter le ballon dans le but adverse. Sur la touche, deux renforts sont prêts à entrer en jeu à tout moment.
Discipline largement invisible en France, le football fauteuil est pourtant la plus pratiquée dans l’éventail des sports adaptés. « Qui sait que la France, après deux échecs consécutifs en finale, a ravi la couronne mondiale aux USA en 2017 ? », interroge l’entraîneur.
Un sport à part entière
Noisy-le-Grand et Tremblay sont les grands protagonistes du foot fauteuil en Seine-Saint-Denis. Localement, le sport adapté doit beaucoup au foyer Le Vert-Galant qui anime le TAC handisport, avec l’aide de la municipalité. La sarbacane et la boccia sont deux autres activités proposées à la vingtaine de ses membres. « Pour notre public, le sport est un vecteur d’évasion très précieux et un accès à une certaine forme de normalité. Il les inscrit dans un environnement valorisant et leur permet de devenir davantage des acteurs de leur vie », explique Antonio Barbosa, éducateur-coordinateur au foyer et trésorier de l’association sportive. D’où la multiplication des compétitions inter-établissements.
Ne vous attendez-pas, cependant, à découvrir ces sports aux JO paralympiques de Tokyo en 2020 ou à Paris en 2024. Ceux-ci sont ouverts seulement aux athlètes porteurs d’un handicap physique. À 35 ans, Farid Kadda Belardi ne rêve pas aux anneaux, mais plutôt de voir Marseille sur le podium de la Ligue 1. Ce fan de football y joue en fauteuil depuis l’âge de 12 ans. Il en est son meilleur ambassadeur.
« Nous pratiquons un sport à part entière qui demande du sérieux, de l’implication et perdre ou gagner nous procure les mêmes sensations que n’importe quel valide », affirme l’attaquant. « Si on ne dit pas qui on est et ce dont on est capable, qui le fera à notre place ? », ajoute-il. Animé par cet état d’esprit, Farid, est tourné tout entier vers les autres. Il a ses habitudes à la salle Angela Davis où il va à la rencontre des jeunes.
« Progressivement, le regard des gens change et je vois plus de bienveillance que de gêne ou de rejet dans les yeux », affirme-t-il. Il cite en exemple l’intégrathlon. Comme ses coéquipiers, il ne manquera pas d’y donner de son temps au mois de mai prochain. « Tous les évènements inclusifs qui rendent visibles le handicap au regard du citoyen lambda, sont bénéfiques », confirme Antonio Barbosa. Voilà pourquoi le TAC handisport se réjouit de s’investir dans l’édition 2018. Quant au contenu de sa participation, ce sera assurément balle au pied.
Auteur : Frédéric Lombard
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