Culture
« Les Jours heureux », tout un programme !
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Ah le joli mois de mai ! Comme il se prête bien à l’espérance de jours meilleurs qu’on voudrait proches. Les jours meilleurs, en réalité, ils sont aussi derrière nous. En effet, ils renvoient à un préalable, à un socle historique et fondateur qui s’appelait « Les Jours heureux » : soit le programme du Conseil national de la Résistance (CNR) qui s’est appliqué en France de 1944 à 1947, c’est-à-dire toute une série de mesures à la base de notre système de protection sociale. Cette histoire, glorieuse et décisive, est largement passée sous silence lorsqu’elle n’est pas dénoncée comme irréaliste et non avenue...
Pourtant avec la sortie en 2013 du film documentaire de Gilles Perret, Les Jours heureux – Quand l’utopie des résistants devint réalité, c’est tout un pan de la réalité historique que le réalisateur remet au grand jour : « Claude Grunn est allé voir le film à Paris. La projection était suivie d’un débat et tout cela l’a touché au point qu’il s’est dit qu’il faudrait faire la même chose à Tremblay », explique Abderrahim Lakehal, membre du collectif enthousiaste qui s’est constitué sur la commune.
Claude, Abderrahim et les autres, des militants politiques et associatifs, ont ainsi saisi l’opportunité que représente le film pour assurer sa diffusion à Tremblay, et « pour informer le plus largement possible la population et organiser des temps forts autour du thème "Programme du CNR et situation d’aujourd'hui". Tout cela dans une démarche d'éducation populaire », explique-t-on au collectif.
Des temps forts sont ainsi programmés pour inscrire les réflexions dans une perspective historique et dans l’actualité chaude – l’austérité comme seule alternative et la révision des conquêtes sociales. Pour remettre dans leur contexte des attaques telles celles que lançait déjà Denis Kessler, ancien vice-président du MEDEF, en 2007 : « Il s'agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! ». On sera donc bien attentif au programme concocté par le collectif. Les jours heureux sont encore devant nous !
Un projet social fondateur
C’est entre mai 1943 et mars 1944, dans la France occupée, que s’élabore le programme du Conseil national de la Résistance, épine dorsale du système social français. Ses rédacteurs – issus de toutes les tendances politiques, de tous les mouvements de la résistance et des syndicats CGT et CFTC – vont l’intituler « Les Jours heureux ».
C’est un programme de gauche qui a pour objet « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des féodalités économiques et financières », peut-on y lire. Il s’articule autour de deux volets : les actions immédiates tout d’abord, puis les réformes profondes à mener. « Tout cela n’a de sens que si on a un projet politique. Faire de la résistance, ça nécessite de penser politiquement », précise sur ce point l’historien Laurent Douzou.
Dès l’automne 1944 jusqu’en 1947, toute une série de réformes économiques, sociales et politiques vont ainsi être mises en place : nationalisation de la Banque de France et de quatre grandes banques de dépôt ; nationalisation de l’électricité et du gaz, nationalisation des grandes compagnies d’assurances, des usines Renault. Et encore, création de la sécurité sociale – sous l’impulsion d’Ambroise Croizat, député communiste et ministre du Travail et de la Sécurité sociale de 1945 à 1947 – généralisation des retraites par répartition, création des comités d’entreprises…
Dans le même temps, on instaure aussi la liberté de la presse, celle-là séparée des pouvoirs de l’argent. Pour autant, et dès après le départ des ministres communistes du gouvernement en 1947, une partie de ces réformes seront rognées, les forces réactionnaires n’ayant de cesse de s’y opposer jusque… à aujourd’hui. De fait, le programme du CNR, et sa dimension révolutionnaire, n’est pas enseigné, l’histoire de la Résistance se limitant à l’héroïsme et aux faits d’armes.
Pour en savoir plus
- Trois rencontres avec le collectif Les Jours heureux à la médiathèque Boris-Vian : samedi 17 mai à 18h, mercredi 21 mai à10h30 et samedi 24 mai de 15h à 18h.
- Exposition du Musée de la Résistance de Champigny du 19 au 24 mai à l’Équipement Jeunesse. Projection et débat autour du CNR et son programme jeudi 22 mai à 18h.
- Projection du film Les Jours Heureux au cinéma Jacques-Tati, mardi 27 mai à 20h30, suivie d'un débat en présence d’un ancien résistant, Gabriel Guiche.
- Débat sur le thème « Le programme du CNR / les enjeux actuels », jeudi 5 juin à 20h à l’Espace Jean-Ferrat, animé par Bernard Teper, en présence de Clémentine Autain (sous réserve).