Portrait
Le fabuleux destin de Kokopello
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© Jean-Luc Vallet - Ville de Tremblay-en-France
Culotté, le bonhomme ! Lors de la campagne pour l’élection présidentielle Antoine Angé a infiltré incognito les équipes militantes de cinq candidats à l’élection présidentielle : François Fillon, Emmanuel Macron, Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Une aventure de plusieurs semaines qui a pu l’amener à tracter le matin pour François Fillon, à prendre part à une réunion de travail avec l’équipe de Benoît Hamon à l’heure du déjeuner et à coller des affiches dans la soirée pour Jean-Luc Mélenchon.
Le jeune homme a voulu comprendre pourquoi on s'engageait en politique. « La politique, on en parle tout le temps, je voulais donc voir de près ce que c’était », résume celui qui est né à Drancy en 1991, a grandi au Blanc-Mesnil jusqu’à l’âge de huit ans, avant que ses deux parents enseignants ne s’installent à Tremblay. Avec ses convictions « qui penchent à gauche », son projet commence à la fin du mois d’octobre 2016 avec l’équipe d’Arnaud Montebourg, candidat alors en lice pour les primaires du PS. Il découvre ainsi l’emploi du temps d’un militant lambda et se met à noter tout ce qui se passe autour de lui : le tractage, les cafés-débats, les réunions, etc.
Le bonhomme se prend au jeu et se retrouve déçu lorsque la défaite du candidat est annoncée. « J’étais surtout triste de voir les militants si abattus après tant d’engagement. Une fois la déception passée, je me suis dit qu’il fallait que j’observe comment cela fonctionnait chez les autres candidats. »
Rêve d’Angoulême
Intégrer les équipes de campagne ne se révèle pas si difficile, elles sont toutes à la recherche de bénévoles. Le Huffington Post, séduit par son travail lui donne carte blanche pour illustrer la campagne présidentielle française sur son site internet. Pour ne pas se faire « griller », l’enfant de Tremblay choisit un surnom : Kokopello, en référence à Kokopelli, un personnage mythique issu des anciennes croyances amérindiennes du sud-ouest des États-Unis. « Je l’avais vu dans une histoire du journal de Mickey et sa devise m’avait beaucoup plu : ne jamais prendre la vie trop au sérieux ! »
Le dessin, ça lui a pris très jeune : « Pendant que les autres jouaient au foot dans la cour, moi je dessinais », raconte celui dont l’enfance a été bercée par la lecture des aventures d’Astérix, des Bidochon, des albums de Franquin et de Gotlib. Antoine avait pris des cours auprès de Marcos Testamarck, artiste Tremblaysien à l’Espace Jean-Roger Caussimon. « Il nous faisait participer au festival de la bande dessinée d’Angoulême, nous envoyions des planches en espérant être sélectionnés. Je n’ai jamais passé le stade de la présélection, mais j’étais tout de même très fier. » Et à l’âge de quinze ans, son père lui fait une belle surprise : il le réveille un matin pour l’emmener au festival d’Angoulême, où il peut enfin approcher ses auteurs favoris.
Accès permanent à l’Assemblée nationale
L’ami Kokopello a réussi un autre pari fou : s’immiscer durablement à l’Assemblée nationale, afin de « croquer » la vie parlementaire. « Un travail sur le quotidien d’un député, cela n’a jamais été fait », explique-t-il. À force d’insistance et après avoir gagné la confiance de plusieurs élus, il a pu obtenir de la présidence de l’institution un badge lui donnant un accès permanent. « La forte abstention aux élections législatives m’avait en effet interpellé. J’en ai alors déduit que les gens ne savaient pas forcément à quoi sert un député. J’aimerais changer cette perception et encourager les jeunes à s’engager. L’Assemblée nationale, ce n’est pas juste un endroit où un vieux monsieur en costume en engueule un autre. »
Avec toute cette activité de dessinateur, on oublierait presque qu’Antoine a aussi un métier ! Après avoir suivi des études à Paris 8 en cinéma – son autre passion avec le dessin – le jeune homme travaille depuis quatre ans pour Lobster Films, une entreprise française de restauration, d’édition et de production de films, installée dans le 11e arrondissement de Paris. « J’édite principalement des films anciens, c’est très inspirant de les regarder : on se rend compte que l’on n’a rien inventé, tout y est déjà ! J’aime beaucoup l’humour absurde dans le cinéma, comme chez les Marx Brothers ou Luis Buñuel. »
Le jeune homme habite désormais dans le 18e arrondissement de Paris. « Mais Tremblay reste ma ville de cœur : mes parents, mon frère et mon cercle d’amis proches y vivent toujours », souligne le dessinateur. Il a d’ailleurs été « très heureux » que sa ville lui consacre en mai une exposition, à la médiathèque Boris Vian. « C’est un retour aux origines, c’est à Tremblay que j’ai commencé à dessiner, en caricaturant mes profs, ce qui faisait beaucoup rire les copains. Désormais, je ne caricature plus les profs, mais les députés. Cela dit, l’Assemblée nationale ressemble parfois à une salle de cours ! »
Auteur : Daniel Georges
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