Portrait
L’autonomie à tout prix
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© Guillaume Clément - Ville de Tremblay-en-France
C’est une arrivée qui ne passe pas inaperçue et qui déconcerte au premier abord… Julio Gonzalez déboule seul dans une fourgonnette bleue : il est assis dans son fauteuil électrique à l’avant, côté passager. Mais qui est donc derrière le volant ? Personne, en fait. Le Tremblaysien pilote lui-même le véhicule, grâce à une manette qu’il actionne avec sa main. Et de l’extérieur, on voit ainsi le volant bouger tout seul. L’homme fait tout cela si naturellement : « Ça se conduit comme un fauteuil électrique, ce n’est pas bien compliqué ». Il est ainsi Julio : un dynamisme à toute épreuve et une volonté de ne jamais se laisser aller.
Pourtant la vie ne lui a pas fait de cadeau. Né en Espagne, il a contracté, très jeune, la poliomyélite, une maladie qui s'attaque au système nerveux central et détruit les cellules nerveuses qui font fonctionner les muscles. « À cette époque, le vaccin n’était pas obligatoire en Espagne. Mes parents ont alors fait le choix de partir, pensant bénéficier d’un meilleur traitement, mais il était trop tard », reconnaît-il. Arrivé en France à l’âge de trois ans, il a marché quelque temps. « Et puis j’en ai eu marre de tomber », concède-t-il. Julio se déplace donc depuis longtemps en fauteuil et a connu la révolution de l’électrique, qui lui facilite beaucoup l’existence : « Ça a vraiment changé ma vie », admet celui qui travaille depuis treize ans à temps partiel en tant qu’animateur au foyer d’accueil médicalisé du Vert-Galant.
Foot fauteuil
Cette structure spécialisée accueille des adultes handicapés, atteints d’infirmité moteur et cérébrale, qui ont besoin de l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes essentiels de la vie courante, mais aussi d'un suivi médical régulier. « Nous leur proposons des activités et des sorties, par exemple à la patinoire de Neuilly-sur-Marne, qui nous affecte des créneaux spécifiques. Même chose avec la patinoire qui s’installe à Tremblay pendant les vacances de Noël », fait valoir Julio.
Le Tremblaysien est né à la Corogne en 1970, dans le nord-ouest de l’Espagne, une ville portuaire célèbre pour son histoire et son club de foot. Mais le foot, Julio ne s’y intéresse pas particulièrement. Son truc à lui, c’est le foot fauteuil, une variante du football pratiquée par des personnes handicapées dans un fauteuil électrique. Le jeu oppose ainsi deux équipes de quatre joueurs : un gardien de but et trois attaquants. La partie se déroule sur deux périodes de quinze minutes. L'objectif, bien entendu, est de catapulter le ballon dans le but adverse. « C’est assez prenant et cela demande beaucoup d’énergie. Pourtant, j’ai l’habitude des sensations fortes ! Mais même pour des valides, c’est assez compliqué », souligne le sportif, qui joue à Tremblay au sein de l’équipe du TAC handisport, qui évolue en championnat de France au niveau National.
Mais il porte aussi les couleurs de Châtenay-Malabry, un club présidé par l’emblématique Habd-Eddine Sebiane, ancien capitaine de l'équipe de France et vice-champion du monde lors de la Coupe du monde de foot fauteuil à Tokyo en 2007. « C’est un club qui a davantage de moyens et qui évolue en deuxième division », précise Julio.
Passionné par l’informatique
Du temps, il en passe chaque jour à la boutique Adeprinteam, située en bas de l’avenue du Général de Gaulle et spécialisée notamment dans le dépannage informatique. « J’aime venir ici pour donner un coup de main, installer des logiciels par exemple. » L’homme est passionné d’informatique et très à l’aise avec un ordinateur, grâce à un bâton qu’il place dans sa bouche. « Ce bâton, c’est mon bras ! » lâche-t-il en montrant comment il s’en sert également pour utiliser son téléphone portable.
Il y a trois ans, Julio a été sollicité par la municipalité pour établir un diagnostic de l’accessibilité dans la ville. « Il reste quelques endroits à problème, mais cela a bien évolué, car des travaux ont été réalisés. Et puis avec un fauteuil, on peut emprunter les pistes cyclables : c’est très pratique ! » C’est comme si Julio ne se plaignait jamais, sauf peut-être pour signaler que le plus gênant pour lui est de dépendre des autres. Mais à peine a-t-il dit cela, qu’il relativise aussitôt : « Je sais qu’il y a des gens dans des situations bien plus difficiles que moi ».
Et lorsqu’on l’interroge sur le regard posé sur les personnes handicapées, la réponse fuse : « Je n’y pense jamais. Moi, à partir du moment où j’avance, c’est tout ce qui compte ! Garder mon autonomie, c’est tout ce qui m’intéresse ». Et à ce propos, il lui faut maintenant envisager de changer son « camion », comme il dit. Car après quinze années de bons et loyaux services, le véhicule – qui l’a déjà emmené jusqu’en Espagne – affiche en effet 290 000 kilomètres au compteur ! Quand on vous dit que cet homme ne s’arrête jamais…
Auteur : Daniel Georges