Portrait
La part du colibri
Publié le

© Serge Barthe - Ville de Tremblay-en-France
Tout est parti d’une idée assez simple : « J’avais envie de manger autrement », confie Dominique Fonta-Joubert, la présidente et fondatrice de La cerise sur le panier, une association qui regroupe des « consom’acteurs » autour d’agriculteurs organisant la vente directe de leurs produits. « Au départ, il y a une dizaine d’années, avec mon mari, je voulais rejoindre une structure existante, mais nous n’en avons pas trouvé en Seine-Saint-Denis. Une association du Val-d’Oise nous a alors conseillé de monter la nôtre », se souvient celle qui a vécu plus de vingt ans à Tremblay et habite depuis peu à Villeparisis.
Ni une ni deux, voilà donc Dominique qui rameute les gens qu’elle connaît et a connus à Tremblay au fil des ans par son engagement bénévole, que ce soit en tant que représentante de parents d’élèves ou par son activité de trésorière de ce qui s’appelait encore le Centre culturel Louis Aragon. Sans oublier quelques comparses de l’atelier poterie du centre social Louise Michel qu’elle fréquente depuis vingt ans.
Le premier trésorier de La cerise sur le panier déniche alors un couple de maraîchers, Cathy et Christophe, à Auvers-sur-Oise. « Nous avons donc débuté avec eux et avons grandi ensemble », fait valoir la présidente, qui peut compter sur l’implication des membres du bureau de l’association. La cerise sur le panier, qui va fêter ses dix ans en juin, compte aujourd’hui quelque 140 adhérents. « Nous avons commencé avec les légumes et avons maintenant quatorze producteurs qui travaillent avec nous. »
La méthode est bien rodée : « On va voir le producteur, on goûte ses produits, on négocie les prix et puis on se met d’accord sur le fonctionnement et les dates de livraison. Il est essentiel que les producteurs puissent vivre de leur travail. »
Bien manger, ça rassemble
Dominique Fonta-Joubert travaille chez Orange. Plus jeune, elle était « entrée aux PTT », comme on disait alors. Elle est aujourd’hui cheffe de projet sur des réaménagements techniques d’immeubles, avec un rayon d’action sur Paris et l’Île-de-France. Une vie professionnelle bien remplie, qu’elle aime compléter par son engagement bénévole. « En faisant de l’associatif, on s’enrichit, que ce soit au contact des autres adhérents, ou bien des maraîchers, avec qui nous avons une réelle proximité. Il faut aimer les rencontres et le partage. »
« Dans ma famille, tout le monde a des jardins, ma belle-mère avait même des poules. C’est tellement bien d’utiliser des produits de qualité pour cuisiner, de savoir ce que l’on mange et d’où cela vient. Les produits proposés ici sont frais, diversifiés, de saison, et disponibles quand ils arrivent à maturité. Et puis, bien manger, ça rassemble ! »
La cerise sur le panier, c’est aussi du lien social et de l’éducation au goût : le producteur est présent à chaque distribution pour faire découvrir ses produits et son métier. Et la variété des produits est riche : outre les légumes, dans son panier, on peut trouver des fruits, des oeufs, du miel, de la viande. Pas forcément bios, mais issus d’une agriculture raisonnée et en circuit court.
Accomplir sa part
« Nous ne sommes pas une Amap au sens strict. Et tous nos fournisseurs ne sont pas bios. Mais nous existons depuis dix ans, alors que beaucoup d'Amap ne durent pas très longtemps. Et puis je préfère manger non bio, mais en sachant d’où cela vient. Il y a par exemple du bio qui arrive de l’étranger, sans que l’on sache quel est le cahier des charges qu’ils respectent », explique celle qui tient à fréquenter le moins possible les hypermarchés.
Les adhérents de La cerise sur le panier s’engagent à payer à l’avance pour la période définie, à venir chercher leurs souscriptions sur le lieu de distribution, le mardi soir, à gérer leurs absences avec la liste d’attente, et à assurer au minimum trois fois par an leur tour de permanence lors de la distribution. « Chacun doit faire sa part », résume la quinquagénaire.
Une expression qu’elle chérit particulièrement et qui la renvoie à une légende reprise par Pierre Rabhi, l’un des pionniers de l’agriculture écologique en France : un jour, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux, terrifiés, observaient impuissants le désastre. Seul un petit colibri s’affairait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, un tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : « Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et le colibri lui répondit : « Je le sais, mais je fais ma part. » Dominique Fonta-Joubert se reconnaît bien dans ce colibri : « Plus on multiplie les associations comme La cerise sur le panier, plus les gens mangeront bien. »