Concert
Jupiter enfin sur orbite
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© Micky Clément
Votre parcours est assez singulier et rien ne vous destinait à devenir musicien…
C’est la musique qui m’a happé. Je voulais être comme mon père, le costume et tout ça ! Fils de diplomate, je suis né au Congo. Ma grand-mère était guérisseuse et m’emmenait dans des cérémonies dans la forêt, j’étais gosse et je ne comprenais rien ! Plus tard, j’ai grandi en Allemagne, Est et Ouest, et là, j’écoutais aussi bien les Rolling Stones que Frank Zappa, aussi bien Nina Hagen que Nana Mouskouri…
Claude François et tout ça [Jupiter se met à entonner Kung Fu Fighting, de Carl Douglas (1975)] ! De retour au Congo dans les années 1980, ma grand-mère me laisse un tam-tam dans ma chambre… J’ai commencé à apprendre tout seul et écouter les musiques traditionnelles à travers des cérémonies de deuil à Kinshasa. J’ai commencé à me documenter sur les musiques, très diverses : il y a plus de 450 ethnies au Congo ! Alors que la Rumba dominait, je trouvais ça réducteur et ça me révoltait.
Votre famille n’acceptera pas que vous lâchiez les études pour la musique…
C’est ainsi que je suis devenu la honte de la famille et un gamin de la rue, survivant en jouant du tam-tam lors des cérémonies de deuil. On venait me chercher pour ça et l’argent ne me manquait pas. J’avais 18 ans.
Comment s’est formé le groupe Okwess ?
Il y a eu plusieurs étapes avant d’en arriver là, plusieurs changements jusqu’à la formation d’Okwess en 1994, des rebondissements avec des amis qui quittent le groupe pour aller en Europe tandis que moi, je restais en Afrique… En 2003, j’ai relancé, une troisième fois, avec des musiciens d’une nouvelle génération que j’appelle « génération têtue » ou « génération sacrifiée »…
Qu’en est-il de votre son, que beaucoup peinent à définir ?
L’idée est de donner une dimension plus universelle aux musiques traditionnelles, avec les apports des instruments modernes. D’où les interventions de Damon Albarn [leader de Blur et des Gorillaz] et de Warren Ellis [violoniste de Nick Cave] sur mon dernier album. Les humains veulent toujours catégoriser, donner un nom : mon son à moi, je lui donne le nom de Bofenia Rock ! Bofenia, c’est un rythme que ma grand-mère utilisait pour guérir les malades !
1er album, Hôtel univers, en 2013, le dernier, Kin Sonic, en 2017 : c’est sur le tard tout cela ?
Il ne faut pas sortir pour le plaisir de sortir, mais plutôt avec l’intention de marquer. Et puis, trouver un producteur, ce n’est pas facile. Il a fallu du temps. Le documentaire La danse de Jupiter qui est sorti sur moi en 2006, ça a été le début du commencement de l’aventure. J’ai été programmé à Banlieues Bleues dans la foulée…
Que nous disent vos textes sur la situation plutôt instable de votre pays ?
Dans mon ethnie, on s’exprime toujours par parabole. C’est ainsi que j’évoque – et pas parce que j’aurais peur de représailles – la réalité de mon pays, les injustices universelles en tous genres… Aujourd’hui, je vis à Paris, je vis au Congo, je vis partout, je suis instable, comme mon Pays !
Des projets ?
On va jouer au États-Unis, au Canada, en Colombie, au Mexique, en Macédoine, en Hongrie… Nous sommes aussi en train de préparer un troisième album qui devrait sortir l’année prochaine.
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Auteur : Eric Guignet
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