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Europacity à l'épreuve de la concertation
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Sur une emprise de 80 hectares de terres agricoles, dans le couloir aérien de Roissy-CDG et du Bourget, au coeur du Triangle de Gonesse (Val d’Oise), le projet EuropaCity entend proposer une gigantesque offre culturelle, commerciale, hôtelière et de loisirs pour un coût estimé à 3,1 milliards d'euros.
Financé par des fonds privés, ce projet dont les travaux devraient démarrer en 2019 pour une ouverture en 2024, est porté par Immochan, branche immobilière du Groupe Auchan. Il s'inscrit dans la dynamique du Grand Paris et s’intègre à l'opération publique d'aménagement du Triangle de Gonesse, portée par l'EPA Plaine de France et qui comprend 300 hectares au total.
Le groupe Auchan a conditionné l’arrivée d’EuropaCity à la création d’un arrêt de la ligne 17 du Grand Paris Express, en vue de l’organisation des Jeux olympiques et de l’Exposition universelle de 2024. Ce sont des centaines de millions, voire des milliards d’euros que les pouvoirs publics s’apprêtent à engager pour réaliser les infrastructures nécessaires à Europa-City.
Celles-ci permettront de relier le complexe à moins de 30 minutes de Paris en transport en commun. Un choix qui n’est pas sans faire réagir les associations et les élus locaux : « Cette déviation de la ligne 17 avec un arrêt en plein champ servirait uniquement à EuropaCity. Elle ne répond pas aux attentes des populations. Si la zone est urbanisable, elle ne peut accueillir de logements. Elle va également engendrer de la pollution, du trafic aérien et des nuisances sonores », estime Jean-Marie Baty, secrétaire du MNLE local (Mouvement national de lutte pour l’environnement 93).
Gigantisme commercial
Pour mieux cacher son énorme centre commercial de 230 000 m2, Immochan préfère présenter EuropaCity comme une « nouvelle destination touristique ». Plusieurs équipements sont prévus sur une surface de 150 000 m2 : une salle de spectacle s’ouvrant sur l’extérieur, un cirque contemporain, un parc d’attractions couvert, un parc aquatique avec vague de surf et même une piste de ski en intérieur.
À cela s’ajoute 2 700 chambres d’hôtels, 50 000m2 dédiés à la culture, 20 000 m2 de restaurants… D’autres chiffres donnent le vertige : 30 millions de visiteurs sont attendus dont 6 millions de touristes français et étrangers. Cela équivaut à la totalité de la fréquentation de tous les parcs d’attractions en France et deux fois plus qu’Eurodisney.
Pour les détracteurs au projet, les investisseurs profitent d’un foncier disponible en grande couronne pour faire de la spéculation immobilière et financière. Mais ce sont des terres parmi les plus fertiles de France qui seront bétonnées pour construire un énième centre commercial dans une zone qui compte déjà Aéroville, Beausevran, O’Parinor et Rosny 2.
David contre Goliath
De son côté, l’investisseur privé promet de mobiliser environ 4 200 personnes par an pendant la construction et de créer 11 800 emplois directs, non délocalisables, en phase d’exploitation.
Des promesses dénoncées conjointement par Alain Boulanger et Bernard Loup, coprésidents du Collectif pour le Triangle de Gonesse (CPTG) et le MNLE 93, lors d’une réunion publique organisée le 8 mars 2016 à l’espace Jean-Ferrat de Tremblay.
« Le potentiel de recrutement d’EuropaCity est surévalué, ont-ils jugé. Nous craignons que les emplois proposés soient de faible valeur ajoutée et ne compensent pas ceux détruits dans les centres commerciaux et les villes avoisinantes. »
L’occasion pour Mathieu Montes, vice-président de Paris Terres d’Envol en charge de l’environnement et du développement durable, de rappeler la position du Conseil de territoire et de la commune de Tremblay qui avait déjà marqué son opposition au projet en émettant un voeu dès juin 2014.
« Ce projet soutenu par l’État va nuire gravement au développement et à la qualité de vie du Nord-Est parisien. Il est à contre-courant des décisions prises lors de la COP 21 et va affecter profondément l’emploi et les commerces de proximité. Au contraire, il faut extraire les terres agricoles de l’urbanisation comme nous l’avons fait au Vieux-Pays de Tremblay, malgré les pressions de promoteurs immobiliers et de l’État. Le développement du territoire est nécessaire, mais sur des sites déjà urbanisés comme le pôle du Bourget, la friche PSA Citroën ou encore le parc d’activités Aérolians, qui sont en cohérence avec l’implantation des gares du Grand Paris. »
Le CPTG qui réunit plusieurs associations locales et nationales, les huit maires de Paris Terres d’Envol et les élus de Seine-Saint-Denis et du Val d’Oise, toutes tendances politiques confondues, comptent bien faire entendre leurs voix et affûter leurs arguments lors du débat public, en présentant notamment un cahier d’acteurs en forme de réquisitoire à ce projet. Une manière de montrer que le développement économique local n’est pas incompatible avec le développement durable.
Auteur : Pierre Grivot