Culture, Education
Des parcours artistiques sans fausse note
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© Guillaume Clément / Ville de Tremblay-de-France
« Di…, kadi…, kadimi… » : en ce vendredi matin de décembre, une vingtaine d’élèves de l’école élémentaire Rosenberg entonnent ce chant d’une même voix. Puis les doigts claquent, les pieds tapent.
Dans cette salle du 2e étage, ces percussions corporelles donnent le rythme. « Tous ensemble, pas trop vite », conseille Marie Marais aux apprentis artistes. Elle est dumiste – c’est-à-dire titulaire du diplôme universitaire de musicien intervenant (DUMI), qui l’amène à travailler ainsi comme enseignante en milieu scolaire. Elle est rattachée au conservatoire de la ville.
Au fil d’un parcours d’éducation artistique et culturel (PEAC), cette classe de CE2 ainsi qu’une classe Ulis (unité localisée pour l’inclusion scolaire) travaillent depuis octobre sur le projet Rythm’n Shoes. Faire le lien entre musique, corps et mouvement, tel est aussi l’objectif d’autres élèves, comme ceux de l’école élémentaire Marie-Curie. Mais ils procèdent autrement. Au cours de leur séance prévue chaque mardi, ils transforment par exemple les verbes « glisser » ou « épousseter » en mouvement. Leur projet, axé sur Pierre et le Loup, a pour objectif de proposer une chorégraphie sur une bande sonore fabriquée par les enfants.
Trouver sa place dans le groupe
Lors de ces ateliers scolaires, Marie Marais amène les enfants à la musique et la musique aux enfants, qui s’expriment au travers d’outils divers comme la voix, le corps ou des instruments détournés (bouteille d’eau, tuyau de plomberie…). Les PEAC peuvent être courts ou bien durer plusieurs mois, mais tous proposent, à terme, d’assister à un spectacle d’artistes professionnels.
« Le plus important, c’est que les enfants trouvent leur place en tant qu’individus et dans le groupe. La musique, le chant, les percussions, sont propices à l’écoute de leur corps, de leur voix – le tout, en étant connecté au groupe », souligne la musicienne. De leur côté, les équipes pédagogiques constatent assez vite les effets sur les enfants : une plus grande maîtrise de leur corps, une cohésion du groupe, ou encore une meilleure appréhension de notions scolaires, par exemple en géométrie ou en français.
Échanges avec des artistes
Tous ces parcours sont donc ponctués par une rencontre avec le spectacle vivant. Pour ce faire, Marie Marais travaille en collaboration avec des artistes via des spectacles, des ateliers pratiques. Ces professionnels ont des temps d’échanges et de travail avec les enfants. C’est ainsi qu’une classe de CE2 de l’école André-Malraux voyage chaque semaine dans le temps, jusqu’à l’époque médiévale, grâce à l’une des artistes invités, Lisa Valverde, metteuse en scène et directrice de la compagnie La Fontaine aux images.
Les enfants ont imaginé, lors d’une séance, la suite d’une histoire articulée autour d’un ogre, d’une famille royale et de l’écologie. Quant aux spectacles, ils peuvent avoir lieu à L’Odéon, à la Philharmonie de Paris... mais parfois dans les écoles. En ce jeudi matin, des élèves de l’école Malraux assistent ainsi au spectacle L’Arbre de sagesse, avec le conteur André Ze Jam Afane et ses musiciens. « Éléphant, éléphant pas comme ça… », reprennent en chœur les jeunes spectateurs.
Quand Marie Marais propose ces temps de travail artistique, elle offre une ouverture culturelle aux enfants mais aussi aux enseignants. Ces parcours artistiques leur donnent des outils pédagogiques et enrichissent leurs connaissances. Comme le rappelle Émilie Ramos, professeur à l’école élémentaire Balzac, « ces parcours nous forment nous aussi et nous donnent des outils pour continuer ensuite chacun dans notre classe. Avec mes élèves, nous poursuivons un projet débuté l’an dernier, intitulé “Permis de reconstruire”. Nous avons par exemple fabriqué des instruments, des flûtes et des rimbatubes [des instruments fabriqués avec des tuyaux de plomberie]. » Au moment de conclure leur parcours, ces jeunes Tremblaysiens monteront sur scène pour présenter leurs créations. De belles aventures qui vont certainement susciter des vocations.

© Amélie Laurin / Ville de Tremblay-en-France

© Amélie Laurin / Ville de Tremblay-en-France
Marie Marais, du trombone aux parcours artistiques
Musicienne depuis l’enfance, Marie Marais a fait de sa passion un métier : musicienne intervenante et coordinatrice des parcours d’éducation artistique et culturel (PEAC). L’enseignante fait le lien entre l’école, les structures de création, le théâtre et le conservatoire. Des institutions qu’elle a d’ailleurs fréquentées durant son parcours musical. Elle a joué ses premières notes au piano, un peu par dépit : « Je voulais faire du trombone, mais j’étais trop jeune. En attendant, j’ai donc commencé le piano à 8 ans, mais dès que j’ai atteint l’âge requis, j’ai enfin appris le trombone », confie-t-elle. En séance, elle se sert de divers instruments, mais aussi des percussions corporelles et de sa voix.
Enfant, son apprentissage débute alors rapidement au sein d’orchestres – un goût pour le travail collectif qu’elle a conservé. Elle poursuivra sa formation de tromboniste classique aux conservatoires à rayonnement régional de Saint-Maur-des-Fossés et Rueil-Malmaison. Musicalement, elle évolue au fil du temps, en se dirigeant davantage vers « les musiques du monde, l’improvisation » et en s’intéressant « au rapport avec la voix et l’écriture ». Des séjours artistiques lui donnent aussi le goût de monter des projets, souvent pluridisciplinaires.
Il y a une quinzaine d’années, elle intègre le conservatoire de Vigneux, puis d’autres en Île-de-France comme professeure de trombone. « Cela fait environ dix ans que j’interviens dans les écoles avec les parcours artistiques. Ils donnent une dynamique de projet, une ouverture sur le monde artistique vivant », juge la professionnelle. En parallèle, elle est formatrice au Centre de formation des musiciens intervenants d’Île-de-France. Et depuis deux ans, elle forme également de futurs professeurs de musique au Pôle Sup’93 situé à La Courneuve, plus particulièrement sur la question de la médiation culturelle et des différents publics.
Ils en parlent

Safiya Dabo, élève en CE2 (école Rosenberg)
J’aime beaucoup les ateliers avec Marie. On fait des percussions corporelles. Ce qui me plaît le plus, c’est de faire des enchaînements et surtout de taper des pieds. C’est la première année que je suis ces ateliers, on a commencé en octobre. C’est bien d’être tous ensemble, en rythme.

François-Xavier Chapon, enseignant en classe Ulis (école Rosenberg)
Avec ma collègue Zubida Ben Omar et sa classe de CE2, nous suivons le PEAC Rythm’n Shoes. Chaque semaine, nous travaillons avec Marie Marais sur les percussions corporelles. C’est très intéressant pour une partie de mes élèves, qui connaissent des difficultés sur cette thématique du rythme. J’ai constaté qu’ils avaient progressé en motricité mais aussi en capacité de mémorisation du rythme, des gestes. C’est un peu plus ludique que ce que l’on fait en classe. Comme les élèves sont en contact avec d’autres enfants, cela les aide à progresser. Avec Marie et des artistes, nous répétons tous ces gestes, que nous présenterons en première partie d’un spectacle en juin.

André Ze Jam Afane, conteur et musicien de la compagnie L’Arbre de sagesse
Avec les enfants, nous avons vu les chantefables lors de rencontres précédant le spectacle. Ces chants, provenant de la culture bulu du sud du Cameroun, enseignent la sagesse. Lors de ces ateliers, nous avons débattu sur les histoires et les thèmes abordés. Les élèves ont également appris ces chants et compris comment la musique porte les émotions, colore la chanson. Nous avons travaillé en partenariat avec Marie Marais, qui donne l’impulsion de ce parcours en tant que coordinatrice. Nous retrouverons les enfants dans quelques mois à l’Odéon pour raconter toutes les histoires.
Auteur : Aurélie Bourillon