L'Odéon-Scène JRC
Dans les pas du grand Django
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Vous souvenez-vous de vos débuts, de la façon dont ça a commencé ?
Jusqu’à l’âge de 20 ans avec mes cousins Nous’che et Nonnie Rosenberg [ils sont frères tous les deux], on jouait dans les rassemblements et les fêtes religieuses manouches aux Pays-Bas.
Adolescent, je jouais aussi dans le groupe du clarinettiste Hans Meelen qui a insisté pour qu’on se rende au festival Django Reinhard de Samois en 1989. On a simplement joué trois - quatre morceaux et là… standing ovation ! Après, un producteur norvégien nous a proposé de faire un album, c’était la folie quoi !
Ado, vous avez eu une petite notoriété en Hollande...
Oh là, oui ! J’ai eu un petit passage à la télé dans une émission pour les enfants ! On a gagné un prix avec Nous’che. C’était en 1979 et il y a eu des gens pour avoir l’idée de faire un disque avec des petits manouches : mais mon père a dit : « Non, non ! Mon fils, il est trop jeune, il verra tout ça plus tard… »
Plus tard, parce qu’il fallait poursuivre votre apprentissage de Django, à l’oreille et uniquement à partir de ses disques…
Oui, c’est ça et mon père a eu raison de me protéger de l’univers du show business. Dans la famille, on a eu l’exemple de quelqu’un qui a été lancé trop tôt, qui a eu très vite des problèmes : mauvais entourage et tout ça…
Alors oui, j’ai poursuivi mon apprentissage, du matin au soir, à répéter, copier les chorus. Quand j’ai commencé la guitare, mon oncle m’a donné les enregistrements de Django et je me suis passé ça en boucle. Plus tard, c’est Hans Meelen qui m’a fait découvrir d’autres musiciens comme George Benson, Wes Montgomery…
Ça a eu une influence sur votre jeu ?
Oui, bien sûr. La musique de Carlos Jobim m’a par exemple beaucoup inspiré. En dehors de Django, la bossa nova, c’est le premier truc qui m’a inspiré des compositions.
Un autre temps fort dans votre parcours, c’est la rencontre avec Stéphane Grappelli…
Ça, c’est la chose la plus importante de ma carrière. Pour nous Manouches, Stéphane Grappelli c’est comme Django. Membre du quintette du Hot Club de France, c’était pour nous le meilleur violoniste de jazz qui existait. On l’a rencontré au festival de Montréal, juste après notre deuxième album Gipsy summer et on a eu la chance de faire sa première partie.
Il m’a dit ensuite : « Tu m’as vraiment touché avec ton jeu et je voudrais que tu joues avec moi. » C’était un honneur ! On a aussi joué au Carnegie Hall de New York pour ses 85 ans, ça en plus des concerts en Italie, en Allemagne et en Amérique…
Le groupe s’est consolidé, mais pas seulement autour du jazz manouche…
Oui, il y a eu des collaborations avec des musiciens hollandais comme Fritz Landesbergen, Toots Thielemans. J’aime beaucoup le style de Toots, on a enregistré un disque.
Et puis tout en continuant le trio, j’ai enregistré des choses avec Romane qui n’est pas gitan, mais qui est très influencé par Django aussi, j’ai commencé à me promener ici et là, à faire le special guest…
Et la collaboration avec Biréli Lagrène ?
Pour moi, c’était très important et un grand honneur d’être sur le deuxième album du Gipsy Project. Biréli est un magnifique guitariste capable de jouer du jazz, du rock, de la pop, tout !
En 2010, on l’a invité sur l’album Djangologists pour le centenaire de Django qui était uniquement en téléchargement sur Internet. Aujourd’hui, on vend des disques sur les concerts et par téléchargement. C’est ça la réalité du marché de la musique.
Vous vivez aux Pays-Bas dans votre caravane : comment s’organise l’agenda du trio ?
En fait, je reste l’hiver en Hollande. Cet été, je serai en France parce que c’est le seul pays d’Europe où les Manouches peuvent voyager (rires), même si ça commence à être dur.
Et la composition ?
Je ne m’assieds jamais en me disant voilà, je vais composer. Je prends ma guitare, je joue et puis tiens, une mélodie ! Je ne me force jamais, ça vient tout seul.
Y a-t-il un nouveau projet d’album ?
J’étais un peu feignant ces derniers temps, mais il y a un projet qui s’appelle Familia et qui est à moitié fini ! On a enregistré sept morceaux avec mon cousin Johnny qui chante, dans le genre crooner, Michael Bublé. Il y a aussi mon frère Moses et ça devrait sortir en septembre prochain. On en donnera peut-être un ou deux morceaux à Tremblay !
Auteur : Éric Guignet