Portrait
Appliqué et impliqué
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© Serge BArthe - Ville de Tremblay-en-France
C'est avec gourmandise qu'Antoine Serre, professeur d'arts appliqués au lycée des Métiers Hélène Boucher, dévoile les travaux qu'il a effectués, au fil des années, avec ses élèves. L'enseignant est un homme de projet et il n'a jamais cessé de leur en proposer. « Regardez ce petit ouvrage qui s'intitule Promenades d'architecture à Tremblay-en- France ! Nous l'avions réalisé il y a quelque temps pour les Journées européennes du patrimoine. » Il en montre d'autres : « Il y a aussi celui-ci, Si Roissy m'était conté, qui raconte l'histoire de l'aéroport, ou encore Il était une fois dans l'bus ».
Celui qui habite Bagnolet présente également toute une série d'affiches conçues par ses élèves, pour le cinéma Jacques Tati, l’ancien centre culturel Louis Aragon, aujourd’hui devenu théâtre, ou encore pour le festival Banlieues bleues. Les grandes causes lui ont en outre largement servi de support et il a fait travailler ses élèves sur les droits de l'enfant, les violences faites aux femmes, la libération des camps d'extermination nazis, etc. L'enseignement n'était pourtant pas une évidence pour celui qui est né en 1957, en Iran, du fait d'un papa ingénieur dans les barrages et qui a également vécu six années au Maroc, avant de revenir en France à l'âge de 11 ans.
Diplômé de l'École nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris, Antoine Serre a d'abord exercé comme réalisateur de films d'entreprise. Pour la Mission laïque française, il en a ensuite réalisé d'autres avec des marionnettes, pour des enfants haïtiens apprenant la langue française. Après la naissance de son deuxième enfant, à l'âge de 32 ans, il cherche un métier plus stable. L'homme n'avait jamais jusque-là envisagé de devenir professeur, mais un ami le persuade qu'il pourrait enseigner. Banco ! Reste à formuler des vœux pour trouver un lycée d'affectation.
Développer le potentiel des jeunes
Tremblay va alors cocher plusieurs cases. « Je voulais trouver une ville moyenne, où le lycée professionnel avait une visibilité. C'est le cas à Tremblay, puisqu'il n'y a qu'un seul lycée général », confie le professeur. Autre argument imparable : la ville est accessible à vélo depuis Bagnolet, le long du canal de l'Ourcq. Le désormais retraité n'aura donc connu qu'un seul établissement en 25 ans de carrière. « Votre stature se crée ainsi petit à petit et cela vous donne de la crédibilité vis-à-vis de la ville, qui nous a constamment soutenus », se félicite l'enseignant.
Sa collègue Isabelle Desailly, professeure documentaliste au sein de l'établissement, est triste de le voir partir : « Je ne suis là que depuis deux ans, c'est dommage, nous n'aurons plus l'occasion de travailler ensemble ». Cette année, en compagnie de Sébastien Clerc, professeur de lettres et d’histoire-géo, ils ont mené un projet avec une classe de Première bac pro Accompagnement, soins et services à la personne (ASSP). Les élèves ont ainsi planché sur des portraits de soldats de la Première Guerre mondiale et, plus particulièrement des « Gueules cassées ». Isabelle Desailly fait valoir qu'« Antoine a toujours été très impliqué dans la vie du lycée, son ambition est que les jeunes expriment leur potentiel : il veut qu'ils osent et qu'ils aillent au bout de leur créativité ».
Pincement au cœur
Deux élèves de Terminale croisés dans l ' établissement livrent également leur sentiment sur le prof d'arts appliqués. « C'est quelqu'un de très vivant, qui rigole avec tout le monde», témoigne Valentin. « Ah oui, il est toujours joyeux et surtout très à l'écoute. Il nous a donné envie, tout en nous laissant une certaine liberté », ajoute Safa. « Il faut créer des liens avec chacun, développer des rapports d'individu à individu. J'ai tout fait pour que ce lieu soit un espace de plaisir et de découverte. Une fois ces liens tissés, je pouvais les emmener plus loin. Je n'ai en effet jamais voulu me cantonner à des cours de dessin. Pour moi, ce cours devait constituer un élément de compréhension du monde. En leur expliquant par exemple qu'une image n'est jamais neutre, car elle véhicule une idéologie, ou encore en leur parlant de l'histoire des objets et de ce qu'ils représentent socialement », souligne celui qui a récemment acquis une maison à Vétheuil, une ville du Val-d'Oise située dans un méandre de la Seine.
« On peut y faire du canoë : le canoë, c'est comme le vélo, autonome et silencieux ! Il n'y a pas d'assurance à prendre, pas de plaque d'immatriculation », fait remarquer celui qui déplore que « l'on soit dans un monde hyper contrôlé ». Lui préfère cette devise : « Pour vivre heureux, vivons cachés ! » Il songe déjà aux balades qu'il va effectuer là-bas, le long du fleuve ou dans les petites îles, pour observer les oiseaux et découvrir des endroits où l'on peut se baigner.
À aucun moment il ne pense s'ennuyer pendant sa retraite. « J'adore dessiner, j'ai d'ailleurs un projet dans la bande dessinée », avance celui qui est récemment devenu grand-père et qui ne cache pas qu'il aura un pincement au cœur en quittant le lycée, lui qui avait l'habitude, chaque matin, d'être le premier arrivé dans la salle des profs.
Auteur : Antoine Bréard
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