Portrait
Alors on danse !
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© Guillaume Clément
Dans la famille Modestine, il y a le père, Robert ; Delphine, la mère ; Darren, la fille, âgée de 18 ans ; et Willis, le fils, 10 ans. Un quatuor très uni, soudé notamment par l’amour de la danse. Il y a quatre ans, «pour faire partager [leur] passion», les parents ont créé l’association Jazz Gold Feet, qui propose des cours de danse afro, de modern jazz, d’afro house et de locking. Robert est plutôt jazz rock, tandis que Darren est davantage portée sur la danse afro, qu’elle enseigne à des enfants au sein de l’association. « Mon frère Willis est mon assistant ! », glisse-t-elle dans un sourire. La danse, le garçon est lui aussi tombé dedans très jeune : « Petit, on m’emmenait dans les cours ; je regardais, puis j’ai fini par faire moi-même une chorégraphie, et puis une autre… » Leur mère s’occupe quant à elle de la communication et de l’administration de l’association. Les restrictions imposées par la crise sanitaire ont grandement bouleversé les cours et les projets. « En mars, nous étions dans une bonne dynamique, puis tout s’est arrêté », déplore Robert.
13 millions de vues sur Facebook
L’association commence cependant à être connue : la famille a en effet eu la chance, juste avant le confinement, de partir à Los Angeles pour participer à une célèbre émission de danse intitulée World of Dance, diffusée sur la chaîne NBC avec dans le jury, excusez du peu, la chanteuse Jennifer Lopez. Une récompense d’un million de dollars était en jeu. « Bon, on ne l’a pas gagnée, mais ce fut une sacrée expérience, se souvient Robert. Nous avons même rencontré l’acteur Danny Glover à notre hôtel. Il est très sympa ! Los Angeles reste une drôle de ville: on y voit des gens très riches ou bien très pauvres ; ça ne m’a pas donné envie d’y rester. » Quoi qu’il en soit, suite à l’émission, «Willis a fait 13 millions de vues sur Facebook », souligne son père, pas peu fier.
La danse, un héritage
Veilleur de nuit dans une structure d’urgence pour des jeunes à Villiers -sur-Marne, Robert Modestine confie ne pas vivre de la danse. Un art que ce natif de la Martinique pratique depuis ses 15 ans : « Mon père dansait le gwoka, typique des Antilles. Quand je retourne là-bas, j’aime bien aller voir des spectacles de danses traditionnelles. Vous savez, dans la danse, on innove toujours un peu, mais cela reste avant tout un héritage. Et puis c’est spirituel, ça fait oublier le quotidien. Bref, c’est bon pour le moral et le physique », explique le Tremblaysien. Delphine, elle, a dû arrêter : elle est en effet, depuis toute petite, atteinte de drépanocytose, une maladie génétique touchant les globules rouges qui se manifeste principalement par une anémie, des crises douloureuses et une sensibilité accrue aux infections. « Enfant, j’étais constamment hospitalisée. J’ai dansé et j’aimais ça, mais aujourd’hui, ce n’est plus possible, un entraînement trop intense me rend malade », doit admettre celle qui, par le biais d’une association, va témoigner dans des hôpitaux pour parler de la manière dont on peut vivre avec cette maladie. Le jeune Willis vient pour sa part d’entrer au collège : « Ça devient un peu dur de concilier la danse et les études, mais je m’en sors ! J’ai moins de temps pour répéter la semaine, mais je me rattrape les week-ends et pendant les vacances scolaires. » Quand on lui demande de se projeter dans l’avenir, Willis répond qu’il ne vivra sans doute pas de la danse, mais qu’il continuera à pratiquer : « J’aime tous les styles de danse que l’on propose dans l’association, et quand je danse, je suis heureux ! » Sa sœur Darren acquiesce, elle qui prend toujours autant de plaisir à danser. «Mais plus je grandis, plus cela devient professionnel ! Je suis plus dans le calcul », reconnaît celle qui, maintenant qu’elle a le bac en poche, veut se lancer dans un BTS communication en alternance.
Finalistes de Juste Debout
La petite famille, qui s’est déjà produite à l’espace Angela-Davis, n’a pas chômé pendant les vacances d’été, en proposant à l’espace Mikado et à la maison de quartier du VieuxPays des cours de danse afro pour les enfants: « Ça a été un gros succès. Des adultes sont venus nous demander si eux aussi pouvaient apprendre! » Après une présélection à Stockholm, les trois danseurs auraient dû prendre part à la grande finale internationale du concours Juste Debout à l’Accor Hotels Arena de Paris Bercy – un événement immanquable de la danse hip hop, qui rassemble les meilleurs danseurs du monde. L’événement a malheureusement été annulé à cause de la pandémie. Pas de quoi miner le moral de ces infatigables danseurs : tous trois viennent de mettre au point un show de huit minutes. Mais qui conçoit les créations, au fait ? « C’est un tout, on le fait ensemble, on s’écoute beaucoup », répond Robert, avant d’être coupé par sa fille : « Avec Willis, nous sommes ta source d’inspiration ! » Entre les quatre Modestine, les regards sont empreints de bienveillance. « Nous disons toujours à nos enfants : “Les gens sont heureux quand ils vous regardent, alors restez vous-mêmes !” Nous ne voulons surtout pas qu’ils prennent la grosse tête », fait valoir Delphine, qui se définit comme « leur première fan ».
Auteur : Daniel Georges