Portrait
Infatigable quand il s'agit d'aider
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© Serge Barthe - Ville de Tremblay-en-France
Six ans que Mohamed Sayah officie à la Maison de quartier et des associations du Vieux-Pays, lui qui est né en 1992 à Villepinte et a grandi dans le centre-ville de Tremblay. « Quand j’ai arrêté l’école, il fallait que je me trouve un objectif. Je voulais travailler et passer mon permis. Mais, si c’était à refaire, je continuerais mes études. » Devenir animateur lui trotte dans la tête : il passe son Bafa et effectue son stage pratique à la Maison de quartier et des associations du Vieux-Pays. Travailler ici, « pour des gens qui ont besoin d’aide et d’écoute, dans une ville qui aide beaucoup les jeunes », le passionne.
« Si l’on exerce ce métier, il faut le faire avec du cœur. Nous recevons des jeunes qui ont besoin d’un suivi pour s’insérer dans la vie professionnelle, qu’ils ont du mal à appréhender. Souvent, ils ne savent pas comment faire le premier pas. Ce sont aussi les parents qui viennent nous voir, sur le mode : “Pouvez-vous aider mon fils ou ma fille ?” », explique celui qui habite avenue de la Paix et organise par ailleurs des activités inter-quartiers, comme des tournois sportifs, pour que l’ensemble des jeunes de la ville se rencontrent : « Cela contribue à apaiser les tensions. Je crois bien que je connais tous les jeunes de Tremblay ! Dans la rue, ils viennent vers moi pour me dire bonjour. »
Quels conseils leur donne-t-il ? « J’aime discuter avec eux, je les incite à continuer leurs études et à passer des diplômes. Ne jamais lâcher leurs rêves. Et si on n’en a pas, se fixer de petits objectifs, à atteindre progressivement. Tous les jeunes ont un savoir-faire qu’ils ne doivent pas gâcher. » Il a lui-même passé plusieurs diplômes dans l’animation, dont le brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BPJEPS). Possibilité offerte par son contrat en emploi d'avenir – « emploi aidé » qui accorde des moyens aux villes pour donner leur chance à des jeunes non diplômés, que le gouvernement veut supprimer.
Toujours soif d’apprendre
« En fait, cette maison de quartier est ouverte à tous les publics, aux familles également. » Mohamed aime que des personnes âgées passent, juste pour boire un café. Tremblaysien de toujours, il est également référent de la ludothèque, au premier étage de la Maison de quartier, qui accueille, pour l’instant, des élèves de l’école André Malraux, et d’ici peu le grand public. Et intervient deux fois par semaine au collège Pierre Ronsard, pendant la pause méridienne, pour animer un espace de jeux de société. Mohamed, lui, a toujours soif d’apprendre et a suivi une formation avec les Enfants du jeu, une association basée à Saint-Denis.
Il est en fait infatigable quand il s’agit d’aider les autres. Dans le cadre de l’une de ses formations, il a effectué un stage de deux semaines au foyer les Bruyères, qui accueille des personnes atteintes de retard mental sévère ou profond. « Ce sont vraiment des personnes attachantes, qui aiment beaucoup discuter. J’ai mené avec eux des ateliers culinaires et d’autres sur les jeux de société. J’ai du coup très envie de leur proposer une activité régulière autour du jeu », confie celui qui a trois frères et deux sœurs et passe chaque année quelques jours en Algérie, le pays de ses parents, pour se ressourcer et se reposer. Son papa est décédé alors qu’il n’avait que douze ans.
« J’ai frôlé la mort »
Sa vie ne fut pas un long fleuve tranquille. Victime d’un accident dramatique, dont il ne détaille pas les circonstances, alors qu’il avait six ans, très gravement brûlé au visage, Mohamed resta quatre mois dans un coma artificiel, subissant une vingtaine d’opérations chirurgicales. Il dut (trop) longtemps porter un masque et manqua deux années d’école élémentaire. « J’ai frôlé la mort. Et je pense que cela a contribué à m’endurcir ou, en tout cas, à ce que je ne lâche jamais rien. » Mohamed est toujours souriant. Cet accident d’enfance : « Il n’y a pas pire que cela. Enfin si, il y a pire. »
Son avenir ? « Pourquoi pas un jour diriger ma propre structure ? J’aime tellement le contact avec le public. Mais j’ai encore beaucoup à apprendre », insiste-t-il, remerciant au passage le personnel de la Maison de quartier pour le soutien qu’il lui a toujours apporté. Si le jeune homme a adoré Nous trois ou rien (2015), c'est parce que ce film narre l’histoire vraie d’Hibat Tabib, joué par son fils l'humoriste Kheiron, et de son épouse. Jeunes Iraniens militants pour la démocratie contraints de fuir leur pays en 1984, s'installant en Seine-Saint-Denis, où ils s'impliquèrent dans la vie associative locale, pour aider les jeunes à s’en sortir. « À la fin du film, ils sont tous ensemble et rigolent. J’aimerais bien voir cela à Tremblay et ailleurs : que les gens s’entraident et avancent ensemble », conclut Mohamed.
Auteur : Daniel Georges