Rythmes scolaires
À l'école du slam
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À la lisière du monde musical, du spectacle vivant et de la poésie, le slam est un genre à part. Comme toute discipline artistique, ses vertus éducatives sont nombreuses car il mobilise des capacités de mémorisation, d’écriture, d’improvisation. Et bien sûr le sens du rythme.
Chaque vendredi après-midi, de 15h à 16h30, une vingtaine d’écoliers de Cotton et de Moulin du CP au CM2 s’essaient à cet art oratoire lors des temps d’activités périscolaires (TAP) mis en place par la ville, dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires appliquée à la rentrée dernière.
Ils y sont initiés par deux membres de l’association Le Réalisme, un collectif réunissant des musiciens venus de différents horizons, Jean-Michel Labylle et Salim Benabdallah.
Les grands auprès des petits
« L’idée est de les amener à développer un côté narratif sur le texte », explique Salim qui s’occupe du son, des arrangements, de l’enregistrement. Il est venu avec son ordinateur, un ampli et un clavier.
Dans la salle des sciences de l’école Moulin, pour ce troisième atelier, c’est Jean-Michel, auteur et slameur, qui micro en main sur une composition de Salim, lance un tour de table où chacun se présente en cadence et en musique.
L’effet est immédiat, l’attention est captée. L’atelier peut commencer. Après ce tour de chauffe, les enfants doivent réécrire le refrain appris la semaine précédente.
Ce refrain est l’ossature d’une chanson que chacun devra essayer d’inventer à partir du thème qu’ils ont choisi : la planète. Après que chacun a trouvé qui une feuille, qui un stylo, qui une place, il faut se remémorer les paroles et les coucher sur le papier.
La feuille d’Amara, 6 ans, a disparu, il ne proteste pas mais semble un peu déboussolé. L’écriture, c’est encore un peu compliqué pour l’un des benjamins de Cotton.
C’est sa soeur Mariama, de deux ans son aînée, qui l’a entraîné avec elle dans l’atelier. « J’aime bien quand il nous présente et puis aussi la chanson », affirme-t-il en se fendant soudainement d’un large sourire. Et la chanson il la connaît par coeur, d’ailleurs sa voix porte plus que la plupart de ses aînés.
Les plus grands doivent prendre en mains les plus petits pour les aider à réécrire le refrain. Une mission parfaitement assumée par la bande des CM2 de Moulin, Ikram, Ensème, Kaïna, Britineyda et Chaymae.
Éloge de la lenteur et slam poétique
Tout à coup, Salim lance une de ses compositions et invitent ceux qui sont prêts à prendre le micro et à déclamer un texte. « Doucement, doucement ! Il faut dire le texte lentement, c’est du slam poétique », avertit Jean-Michel qui leur fait une démonstration de cette diction particulière.
Chanter en rythme est déjà une gageure et ici, il ne s’agit pas exactement de chanter mais de dire. Le slam force à une certaine lenteur, il faut gérer sa respiration d’une manière inaccoutumée pour ces enfants qui sont beaucoup plus rompus au débit soutenu d’un certain style de rap.
Les candidats sont nombreux. En solo, en duo voire en trio. « C’est bien à cet âge-là car ils n’ont pas trop de références encore, et ils sont spontanés », se réjouit Salim Benabdallah.
Certains viennent redire le refrain, d’autres récitent un poème de Prévert. Amara, libéré de l’écriture vient de sa voix énergique dire Nagawika, le petit indien avec ses camarades Kerian et Adama…
Et puis, il y a Maëva, 9 ans, en CM1 à Moulin qui s’avance malgré le brouhaha. Sans gêne aucune, elle déroule un texte qu’elle vient tout juste d’écrire. « Je m’appelle Maëva, sur la planète rien ne va/Quand on se voit, on se voit avec des signes d’alarme/ Sur la planète on marche ensemble et je vois les enfants jouer/Mais je ne m’impressionne pas quand je vois mes amis/ Il faut que je leur dise qu’on restera unis/ S’ils sont prêts alors on restera ensemble. »
L’atelier, elle l’a d’abord choisi avec sa copine de classe Kendra parce qu’elle voulait chanter devant un micro et puis parce qu’elle va s’inscrire à un cours de chant. Et puis, assure-t-elle, elle écrit souvent des petites choses. Un potentiel que l’atelier slam permet d’affirmer.
Auteur : Mathilde Azerot