Portrait
La presse, leur ADN
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© Guillaume Clément - Ville de Tremblay-en-France
Tous deux se sont connus au lycée Léonard de Vinci, sans se fréquenter forcément au début. D’un côté, née d’un père parisien et d’une maman camerounaise, Élodie Mesnard, qui a vu le jour à Épinay-sur-Seine en 1998. Tremblaysiennne depuis l’âge de neuf ans, la voilà qui vient d’emménager à Villepinte. « Je ne voulais pas quitter Tremblay, cette ville qui propose tant d’activités aux jeunes. Mais ça va, je suis juste à la limite des deux villes ! », se rassure celle qui est actuellement en alternance, dans le cadre d’un master en direction artistique et digitale, à l’Institut de l’Internet et du multimédia, à La Défense. Un établissement qui forme des managers dans les métiers du numérique. Plus rien à voir avec ses envies d’antan, lorsqu’elle avait envisagé d’exercer le métier de pédiatre.
En face d’elle, Azzedine Marouf, né à Paris en 1999 et Tremblaysien lui aussi depuis l’âge de neuf ans. Féru de jeux vidéo, le jeune homme voulait devenir journaliste pour faire partager sa passion. Après un bac ES option sciences politiques et langues européennes, il prépare aujourd'hui une licence de droit et n'a pas abandonné son rêve d'être journaliste. Un domaine dans lequel il a déjà engrangé de l’expérience : après avoir effectué son stage de troisième pour le Bondy Blog, avec lequel il a collaboré ensuite pendant cinq ans, il a co-réalisé un documentaire en cinq épisodes, diffusé sur le site Mediapart et intitulé Médias : les quartiers vous regardent. « On m’a fait confiance, alors que je suis jeune et quasiment sans expérience », se félicite Azzedine, qui a particulièrement apprécié le travail qu'il a fait à Marseille dans ce cadre, sur les médias alternatifs et citoyens : « Que les habitants produisent eux-mêmes de l'information, c'est l'idéal ! »
Angela Davis News
Au sein de l'espace Angela Davis, les deux complices se sont lancés dans une aventure journalistique, en participant – Élodie en tant que directrice artistique et Azzedine en tant que rédacteur en chef adjoint – à ADN, acronyme d’Angela Davis News, qui se veut « un journal pour les jeunes, par les jeunes ». Consacré au thème de l’égalité homme femme, la une du premier numéro était une invitation, lancée par une femme et sans équivoque : « Partage ton trône ». « Pour moi qui veux faire de la création, c’est une bonne opportunité. Nous sommes là pour apprendre et cela nous ouvre des perspectives professionnelles », souligne Élodie, qui confie qu’elle ne pensait pas qu’il y avait autant de métiers au sein d’un journal.
« J’ai pu rencontrer le directeur artistique du Tremblay Magazine et cela m'a bien aidé », raconte celle qui est la présidente fondatrice d’African Teen, une association tremblaysienne qui propose des cours de danse africaine. Elle-même donne des cours de danse afro, qu'elle définit comme « un mélange de coupé-décalé , d'azonto et d'afrobeat ». Son association collecte également des fonds pour venir en aide aux élèves d’une école du Bénin, qui accueille des orphelins et des enfants en très grande difficulté. La jeune femme ne manque pas de projets et se dit parfois qu’elle devrait aussi aider ici, en pensant aux personnes sans domicile fixe, et notamment à Jean-Philippe, un sans-abri tremblaysien longtemps installé aux abords de la gare RER et qui est décédé l’an dernier.
Retour de Palestine
« L'idée, avec ce journal, est d'augmenter le capital culturel des jeunes qui y participent, qu'ils apprennent à parler eux-mêmes, sans que l'on parle pour eux. Mais nous ne voulions pas faire un journal sur la banlieue », précise Mandana Saeidi, la directrice de l'espace Angela Davis, qui connaît bien les deux compères, qu'elle décrit comme « des personnes de confiance, avec une grande motivation ». Le numéro 2 d’ADN, dont la sortie est prévue courant décembre, sera consacré à la Palestine et s’appuiera sur les témoignages d’une délégation de sept jeunes qui s’y sont rendus, en septembre 2018, pour participer au Festival international pour la Paix de Beit Jala, en Cisjordanie.
Azzedine insiste sur l’angle choisi : « C’est essentiel de partir de ce qu'ils ont eux-mêmes vu. C'est ma vision du métier : ne pas se contenter de commenter l'actualité, mais aller sur le terrain. Ce que j'ai retenu de leurs impressions est que les Palestiniens ne demandent nullement la charité. Ils se sentent enfermés et souhaitent que leur voix soit entendue à l’étranger ». Et Élodie et Azzedine, à quoi rêvent-ils pour leur futur ? « Je me vois bien travailler de manière indépendante. Et quoi que je fasse, je voudrais que cela ait un impact positif dans la vie des gens. Je continuerai mes cours de danse et à agir pour les enfants pauvres du Bénin en faisant grandir mon association », imagine Élodie.
Azzedine prend le temps de la réflexion : « J’espère garder mon intégrité et pouvoir faire ce que j'aime et en vivre, même si je suis conscient de la précarité qu'il y a dans le journalisme ». Le numéro 3 de leur journal fera suite au voyage d'un groupe de jeunes à Vienne, qui va partir sur les traces de Freud et des peintres Schiele et Klimt. Et le suivant traitera de l’Afrique du Sud. Une délégation de Tremblaysiens, parmi lesquels Azzedine, va en effet se rendre dans ce pays en février prochain. De quoi poursuivre, donc, la belle aventure journalistique...
Auteur : Daniel Georges