Concert
Admiral au long cours
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© Xavier Dollin
Pour comprendre ce que vous faites, il n’est pas anondin de rappeler d’où vous venez…
Eh oui, le quartier Boissard, à Pointe-à-Pitre – pas facile ! Je suis né en 1981 et issu d’une famille de dix enfants. J’ai commencé à chanter adolescent parce que j’avais des choses à dire, pour exprimer ce mal-être qu’on avait par rapport au regard des autres. C’est ce qui m’a poussé vers la musique.
Voilà, les micros étaient ouverts, Internet n’existait pas, le mode d’expression, c’était le Sound System ! On écoutait aussi beaucoup de Zouk, de la musique africaine, haïtienne et, grâce à un de mes frères aînés, j’ai pu découvrir et aimer les sons de la Jamaïque. C’était complètement éclectique et, d’ailleurs, mon premier album je l’ai intitulé Mozaïk Kreyol [2003].
Qu’est-ce qui vous décide ensuite à embrayer sur une démarche professionnelle ?
Je n’avais pas forcément une vocation d’artiste, mais la musique a pris progressivement le pas. Depuis le collège, je chantais et ça a pris de l’ampleur au lycée. À ce moment-là, il y a eu la sortie d’un clip qui a encore accéléré le mouvement et, en parallèle, j’ai quand même passé un bac S, tandis que tout ça se professionnalisait.
Le titre Gwadada, en 2002, est un moment clé : vous serez le premier à envoyer en métropole le nom créole de votre pays !
Gwadada, ça date de la période où je faisais un album dans ma chambre, de façon artisanale et sans budget… En réalité, et jusqu’à présent, je ne sais pas comment le titre a fait pour arriver de l’autre côté ! J’avais du mal à croire les amis qui me disaient que le morceau cartonnait. Je peux dire que c’est ce qui m’a propulsé.
Autre marqueur, le film Nèg marron en 2005 : que retenez-vous de cette expérience d’acteur ?
Ça s’est fait de façon complètement imprévue, lors d’une rencontre avec le réalisateur Jean-Claude Barny. On tournait en 2003 alors que mon premier album sortait, et ça a été un moment charnière parce que beaucoup de choses arrivaient en même temps : le film sort et mes jumeaux viennent au monde, si bien que je n’ai pas pu faire la tournée de promotion… Je retiens que, même si le cinéma antillais n’est pas assez développé, il y a beaucoup de talents par ici, des acteurs nés. Tu regardes les jeunes dans la rue, et tu vois un film !
Musicalement, et presque dès vos débuts, vous avez pris la relève de tout ce qui, avant, nous arrivait des Antilles…
On m’a rapidement identifié comme la relève de Kassav’ par rapport au message que je diffusais dans mes textes : il n’y a pas que de la violence en Guadeloupe mais aussi des jeunes qui font de belles choses… J’ai commencé par le reggae dancehall, mais très rapidement, j’ai mélangé cette musique avec tout ce que j’ai en moi, avec toute la culture musicale qu’on a la chance d’avoir aux Antilles, pour obtenir une couleur très spéciale. Ça a contribué à ce que je puisse toucher un public plus large tout en renvoyant une image positive.
La liste des salles où vous vous êtes produit est longue et vos concerts affichent toujours complet !
J’ai commencé par la scène et je me considère avant tout comme un artiste de scène. Si bien que là, même ceux qui n’adhéraient pas forcément à mon style de musique se sont senti touchés. Je ne suis en compétition avec personne sinon avec moi-même : trois concerts au Zénith et, chaque fois, avec mon équipe, on a essayé d’aller plus loin en termes de précision et de professionnalisme.
Le paradoxe, c’est qu’on ne vous voit pas mis en valeur sur les ondes nationales…
Ça a toujours été un paradoxe avec la musique antillaise, de façon générale. En réalité, la diversité musicale de la France n’est pas représentée dans les médias, et c’est vraiment dommage… On ne sait même pas qu’on existe, il y a une mentalité très conservatrice chez ceux qui décident !
Depuis Totem, votre 6e album, vous avez été le 1er artiste caribéen en solo à vous produire à l’Accorhotels Arena en avril 2017 : vous venez à Tremblay dans la continuité du Totem Tour ?
Ce concert, ça a été une grande fierté et on l’a rempli d’un public très diversifié… Comme beaucoup de monde n’a pas pu entrer, c’est aussi pour ça que j’aime venir dans des petites salles où, justement, les gens du quartier peuvent venir avec les gamins. Ça me permet d’être plus proche des gens : à l’ancienne, quoi ! Si bien que je ne sors plus de scène tant l’osmose avec le public est plus directe !
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Auteur : Eric Guignet
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