Son message : guerre ou paix, on n’arrête pas la culture.
Des chaises longues à la toile jaune, d’autres au tissu bleu, installées devant l’entrée du Théâtre Louis-Aragon : la couleur était annoncée sur l’esplanade des Droits de l’Homme, le 5 avril. L’équipement culturel a donné carte blanche à l’artiste ukrainienne Olga Dukhovna, artiste associée au TLA durant ces deux dernières années. Avec War(M), zone de paix pour les arts et pour la danse, la chorégraphe et danseuse a proposé un parcours révélant la vitalité et l’originalité de la culture de son pays, meurtri par la guerre mais toujours debout, prêt à faire œuvres de tout bois dès que la paix reviendra. « Je rêve de tourner la page du conflit armé pour un monde d’après où nous serions rendus à la chaleur des rapports humains », avait déclaré l’artiste dans la brochure de présentation de cette journée aussi chaude que la traduction de War(M) en français.

© Guillaume Clément
Rencontres, performances, déambulations, flashmob, spectacles, lectures, repas partagé, DJ set… La fin d’après-midi et la soirée pour faire plus ample connaissance avec ces ambassadeurs ukrainiens des arts, dans une déambulation festive, créative et collective. Celle-ci s’est déroulée à l’intérieur le théâtre, mais également sur le gazon du parc urbain voisin. Une journée aussi pour se rassembler, discuter, danser, partager, se forger un point de vue.

© Guillaume Clément
Le coup d’envoi avait été donné par une rencontre avec l’Institut ukrainien en France. On y a parlé des singularités de la culture ukrainienne, du désir de paix, de la volonté de construire un avenir sur le vieux continent. « Au moins, cette guerre a placé l’Ukraine sur la carte de l’Europe, et j’espère qu’après elle, on continuera à regarder vers ce pays », a confié Jules Audry, l’un des artistes invités. Le parc et le parvis Marciano ont servi de scènes vivantes extérieures. Au milieu des familles venues se détendre dans le poumon vert, un échauffement musical XXL s’est déroulé en compagnie des élèves du conservatoire de Tremblay, bientôt rejoints par des jeunes jaillis du public. Plus d’une centaine de personnes a ainsi suivi les exercices qu’Olga Dukhovna a distillé au micro, dans une énergie contagieuse et remplie de bonne humeur.

© Guillaume Clément
Pour Maureen, passée de spectatrice à actrice, pas de doute : « C’est une super initiative, car tout le monde a pu participer et je me suis beaucoup amusée. » Et elle n’a pas manqué une miette du flashmob réalisé ensuite par les danseuses des conservatoires de Tremblay, Sevran et Vaujours et l'association ALT - Les Trembles de Tremblay. La suite ? Korowod, un spectacle mêlant danses folkloriques, ghost walk, corps de ballet et chœurs. Une création signée Olga Dukhovna, jouée sur la place Marciano, devant des spectateurs assis sur les marches.

© Guillaume Clément
Elle a été suivie par une lecture proposée par les étudiants de La Volia - école d'art dramatique des Lilas, d’une sélection de textes ukrainiens et du metteur en scène Jules Audry. Elle s’est terminée sur le parvis de la mairie. Quelques minutes de répit pour se remettre de ses émotions, avant une nouvelle plongée à l’intérieur du théâtre pour assister à Amadoca, une lecture musicale tirée du livre de Sofia Andrukhovych, et jouée pour la première fois. « Les acteurs sont sensationnels, les textes sur la guerre et l’amnésie d’un soldat sont très beaux et très forts », a commenté Antoine, conquis, à la sortie du spectacle. La soirée s’est poursuivie avec un bortsch végétarien — soupe traditionnelle ukrainienne — accompagné de brioche à l’ail, de jus de bouleau et de bière, dégustés à la tombée du soir sur le parvis, au milieu des artistes.

© Guillaume Clément
Retour à 20h30 dans la grande salle, transformée en arène de battle de breakdance pour les besoins de Crawl, une création de la chorégraphe et du danseur hip-hop ukrainien Bboy Uzee Rock. Cette figure incontournable de la scène du breakdance a électrisé le public avec ses chorégraphies complexes et virtuoses, inspirées de danses populaires. Un nouvel exemple de la vitalité d’une culture capable de se réinventer sans renier ses traditions, et d’affirmer à travers elles sa capacité de résistance dans l’adversité.

© Guillaume Clément
Dans le hall du TLA la DJ set Sandrine Hoff Aka Filsan a prolongé sur ses platines cette journée qui a si bien su faire découvrir et célébrer l’inventivité, la singularité et les ressources de la culture ukrainienne, qui ne demande qu’à continuer à fleurir.

© Guillaume Clément
Réactions
Emmanuelle Jouan, directrice du Théâtre Louis-Aragon

© Luc Marechaux
« Une journée pour y croire »
« Nous sommes fiers d’avoir pu organiser cette journée, pour laquelle le public a répondu présent. Ce n’était pas évident, car, compte tenu de la situation en Ukraine, nous craignions de ne pas être à notre place, de ne pas être compris en proposant une démarche orientée sur les arts et les artistes ukrainiens d’aujourd’hui. Nous avons essayé d’être au plus juste. Merci à Olga Dukhovna pour la pertinence et l’audace de sa programmation, qui a su montrer toute la vitalité et l’originalité de la culture ukrainienne. C’était une journée pour y croire. »
Natalya Guzenko Boudier, directrice de l’Institut ukrainien en France

© Luc Marechaux
« Faire connaître notre culture »
« Cet événement est très important pour nous, non seulement à cause du contexte que l’on connaît, mais aussi parce qu’il le dépasse, en montrant toute l’envie d’Europe et de projets européens que portent nos artistes. War(m) a également permis cette ouverture vers le grand public, qui connaît encore très peu la culture ukrainienne et notre histoire, dans un dialogue créatif et exigeant. »
Olga Dukhovna, danseuse et chorégraphe

© Guillaume Clément
« Merci de votre confiance »
« Je remercie de tout mon cœur la Ville de Tremblay et l’équipe du Théâtre Louis-Aragon de m’avoir fait confiance d’un bout à l’autre de cette programmation. On m’a offert une immense opportunité de faire découvrir la culture de mon pays telle qu’elle est, et non pas telle qu’on la perçoit à travers le prisme russe. Cette carte blanche m’a permis de projeter la culture ukrainienne dans l’après-conflit armé, dans une vision optimiste, car les artistes continueront à vivre, à créer — et même avec encore plus de force et de vitalité qu’avant, j’en suis convaincue. »