Espace Jean-Roger Caussimon
Un monde sans nous
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Imaginez un monde où le niveau des mers aurait brusquement crû de 300 mètres à la suite de la fonte des glaces. Qu’en resterait-il ? Un monde de cités englouties par les eaux, disparues sous la glace. Un décor saisissant où seuls resteraient émergés le bout de la tour Eiffel, de l’Empire state building, de la Fernsehturm de Berlin ou encore de la grande mosquée bleue d’Istanbul.
United Land, projet artistique du plasticien François Ronsiaux est une oeuvre forte. Une série de montages photo esthétiquement spectaculaire. Ce monde fantasmagorique et poétique n’est, au vu des scénarios émis par les scientifiques, pas si éloigné de ce qui attend certains territoires de notre planète (et de notre pays).
« Le message n’est pas foncièrement écologique, affirme pourtant l’artiste. Cela parle plutôt de la modification de la conscience de l’humain, de son adaptation à son environnement. Ce n’est pas non plus un point de vue sur la société de consommation, mais une oeuvre qui signifie la fragilité de notre existence. »
Il présentera son projet artistique le 21 novembre 2015 à l’occasion d’une rencontre-débat à la MJC Caussimon sur le thème des Paysages utopiques dans le cadre de la semaine internationale de solidarité.
Paris, Tokyo, Moscou, Chicago…
United Land a cependant pour origine un cataclysme naturel qui a marqué ce début de millénaire : le tsunami qui s’est produit au large de l’océan indien en 2004, déclenché par un séisme de magnitude de 9,5, tuant plus de 200 000 personnes.
Le projet artistique fait aussi écho à la théorie sur l’inversion des pôles. Depuis plusieurs années maintenant, une intense recherche scientifique est menée sur la perte de puissance du noyau de la terre, ce bouclier qui protège la planète des vents solaires et plus généralement de la météo spatiale. L’affaiblissement du champ magnétique terrestre pourrait modifier notre monde et notamment inverser les pôles (magnétiques et non géographiques).
United Land pousse les effets potentiels de cette théorie à leur paroxysme : le déplacement des pôles entraînerait un mouvement massif des eaux, déportant la calotte glaciaire et engendrant sa fonte. Le niveau des mers et des océans monterait alors à 300 m.
François Ronsiaux a parcouru et continue de parcourir le monde pour ses prises de vue. Il a commencé par les fonds marins du Pacifique en Polynésie française. À New York, il a expérimenté des filtres photos pour des prises de vue longues qui durent « 30 secondes en vérifiant que tout bouge, qu’il n’y a pas un feu rouge, alors progressivement, tout devient flou, il est ensuite possible de faire disparaître tout ce qui est en mouvement ». Ainsi, il a fait de même à Paris, Tokyo, Moscou, Chicago, Athènes, au Cambodge, en Turquie ou encore au Groënland.
Chaque année, il ajoute un cliché-montage à son arc. « United Land est une volonté de faire disparaître les identités géopolitiques car il n’y a plus de frontières. » Il a également élaboré une « Survival map », une carte topographique représentant cette crue de 300m à l’échelle du globe et ou près de la moitié des continents a disparu. Glaçant. Car nous saisissons d’entrée que l’effacement de nos territoires signifie de facto la dissolution de notre existence.
Auteur : Mathilde Azerot