Finances
Un budget contraint mais toujours solidaire
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© Serge Barthe - Ville de Tremblay-en-France
Depuis 10 ans, le désengagement de l’État ne cesse de s’intensifier. Entre 2010 et 2017, la ville de Tremblay aura perdu quelque 17 millions d'euros de dotation globale de fonctionnement (DGF) reversée par l’État. En 2014, la DGF s’élevait encore à 4 millions pour la commune. Depuis 2017, elle ne perçoit plus rien et devra par ailleurs verser 900 000 euros à l’État pour contribuer au désendettement national (graphique ci-contre). Une somme directement prélevée sur ses recettes fiscales.
« Non seulement l’État ne verse plus rien, mais il prend pour payer sa dette, s’indigne Madani Ardjoune, adjoint au maire chargé des finances, qui a présenté le budget primitif (BP) 2018 voté en Conseil municipal le 5 avril dernier. L’État crée des déficits et ensuite donne des leçons de gestion. Notre budget est à l’équilibre contrairement au sien. » À l’équilibre et avec un endettement très faible : quand la dette communale s’élève à 110 euros par habitant (contre 1 095 euros en moyenne pour les villes de même taille), celle de l’État culmine, elle, à 33 100 euros par citoyen français.
Entre 2014 et 2018, le budget tremblaysien a accusé une baisse de 8,9 millions d’euros à cause des coupes imposées par l’État. En l’espace de 15 ans, avec les réformes gouvernementales successives, Tremblay a perdu la moitié de sa base fiscale !
Par ailleurs, la naissance de la métropole du Grand Paris et des établissements publics territoriaux (EPT) a généré des transferts financiers complexes. Même si la ville de Tremblay n’a pas gagné un seul euro grâce à cette réforme du Grand Paris, elle est artificiellement considérée comme plus riche car servant de boîte aux lettres de flux financiers. Ce gonflement de recettes, tout artificiel qu’il soit, a pourtant été considéré par le Fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF) comme un enrichissement de la ville. Ce faisant, le FSRIF a augmenté la contribution de Tremblay au titre de la péréquation régionale de 2,3 millions d’euros supplémentaires.
La municipalité, néanmoins très attachée au principe de solidarité entre les villes, a dû déposer un recours au tribunal administratif. L’État avait garanti que la création de la métropole du Grand Paris ne coûterait rien aux villes, ce qui n’est pas respecté pour le cas de Tremblay (lire l’interview de Madani Ardjoune).
Une mise sous tutelle
Avec l’ambition de réaliser 13 milliards d’euros d’économie sur le quinquennat, le gouvernement a institué dans sa loi de finance 2018 un dispositif de contractualisation avec les collectivités. Ce « contrat » plafonne la hausse de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 %, sous peine de pénalités : c’est une mise sous tutelle qui ne dit pas son nom et qui, de plus, limitera les investissements.
Comment, en effet, pourra-t-on construire une crèche si l’État nous empêche, via ce « contrat » de recruter le personnel qui va avec ? Face à cette pression budgétaire, qui ne cessera de s’accentuer avec la fin prévue de la taxe d’habitation, et alors que les communes assurent les services de proximité toujours plus nombreux pour pallier le désengagement de l’État en matière d’éducation, de sécurité et de santé, toutes les dépenses de personnel, les créations de postes, les remplacements sont scrutés à la loupe.
Comme toujours, Tremblay assurera les investissements nécessaires à l’entretien des équipements de la ville et au bon fonctionnement des services à la population, prenant en compte son évolution démographique. Pour trouver de nouvelles recettes, elle relèvera pour la première fois depuis 2009 le taux de la taxe foncière. Cette hausse modérée de 3 % permettra de dégager quelque 900 000 euros. Une somme qui couvre le montant que l’État prélèvera au titre de la contribution au déficit public.
Si la pression étatique a été anticipée par la ville, elle n’en affecte pas moins directement ses capacités d’autofinancement. Ainsi, cette année, pour financer ses programmes d’investissement, la ville aura recours à l’emprunt à hauteur de 7,8 millions d’euros.
La ville maintient le niveau de ses investissements
Priorité à l’école
Trois écoles élémentaires vont faire l’objet de transformations notamment en raison de l’évolution démographique de la ville, pour un investissement global de 2018 à 2021 de 9 millions d’euros.
- L’extension du restaurant scolaire commun aux écoles Marie Curie et Jean Jaurès (Vert-Galant) permettra de créer 80 places supplémentaires. Début des travaux à l’été pour un coût de 510 000 euros.
- Un nouveau restaurant scolaire sera créé, toujours au Vert-Galant, pour l’école Anatole France, en prévision de l’agrandissement de 4 nouvelles salles de classe dans les trois prochaines années. La restauration prendra place en face de l’école, rue de Bourgogne. Il sera alors possible d’aménager de nouvelles salles de classe dans l’ancien restaurant. Coût des travaux : 4,9 millions d’euros. Livraison fin 2019.
- L’école élémentaire Paul Langevin verra ses menuiseries extérieures (fenêtres, portes d’accès) et sa toiture restaurées. Par ailleurs, un ascenseur sera aménagé pour permettre un meilleur accès aux personnes à mobilité réduite. Coût des travaux : 850 000 euros, la première année. En 2019, ce sera au tour de la maternelle Paul Langevin. En 2020 et 2021, les locaux pour le dédoublement des classes de CP seront aménagés et l’élémentaire Julius et Ethel Rosenberg rénovée. Coût global : 3,6 millions.
Une voirie entretenue
L’hiver ayant été particulièrement rigoureux, la voirie de la ville la plus étendue du département (160 km de trottoirs) se voit allouer une enveloppe de 2,3 millions d’euros pour les trottoirs et de 1,7 million d’euros pour la chaussée. Après les rues de Reims, Montaigne et le Chemin du loup, la ville poursuit donc ses efforts pour entretenir ses chaussées les plus dégradées.
Assurer la sécurité urbaine
Une enveloppe de 640 000 euros est affectée à la sécurisation des bâtiments (administratifs, culturels, sportifs, scolaires, etc.) et au matériel de surveillance (caméras). Par ailleurs, 60 000 euros seront consacrés à l’armement de la police municipale.
Le cinéma Tati s’agrandit
En septembre 2019, le cinéma Jacques Tati pourra s’installer dans 250m2 supplémentaires au rez-de-chaussée et au premier étage d’un immeuble construit par la SEMIPFA. Coût de l’opération : 1 830 000 euros (auxquels s’ajoutent 600 000 euros pour la participation à la construction de l’immeuble qui accueillera des logements aux étages supérieurs).
Trois questions à Madani Ardjoune, premier adjoint au maire chargé des finances
« C’est l’organisation de la fin des communes »
Le gouvernement contraint les communes à signer un contrat pour ne pas dépasser 1,2 % de hausse annuelle de dépenses de fonctionnement. Est-ce tenable ?
Nous travaillons pour faire des économies, mais cette contractualisation est perçue comme une volonté de supprimer des emplois publics. Dans toutes les collectivités, les frais de personnel, c’est minimum 3 % de dépenses supplémentaires chaque année. Cela veut dire clairement qu’il va falloir faire avec moins ailleurs. Nous devons être très vigilants partout.
Je prends un exemple précis. Le Grand Ensemble est enfin reconnu Politique de la ville. De ce fait, les revenus des professionnels intervenant sur le secteur sont réévalués, ce qui coûte 450 000 euros à la ville. Par ailleurs, la ville perçoit certes des aides à destination des associations des quartiers prioritaires à hauteur de 335000 euros, mais perd 450 000 euros de revenus fonciers dans ce secteur du fait d’un abattement fiscal qui n’est pas compensé par l’État. Résultat : entrer dans le dispositif quartier prioritaire, qui était censé nous donner des moyens pour travailler, entraîne pour la ville des dépenses en plus.
Comment réagissent les autres communes à cette contractualisation ?
Les villes se concertent pour savoir si elles signent ou pas ce « contrat ». Il y a un mouvement de résistance de toutes les collectivités pour dire que c’est, quelque part, une atteinte à leur libre administration, pourtant inscrite dans la Constitution. C’est l’organisation de la fin des communes, on les asphyxie de partout ! En 2013, déjà, nous avions organisé un Conseil municipal extraordinaire pour dénoncer cette situation et alerter sur la fin des communes.
Cette année, la ville va devoir emprunter…
Soyons clair : nous ne pouvons plus faire comme avant compte tenu des ponctions multiples effectuées par l’État au fil des ans : perte des dotations, hausse de la contribution aux dispositifs de péréquation, disparition de la taxe professionnelle, de la taxe d’habitation…
Notre objectif est de poursuivre l’investissement municipal pour apporter un service de qualité à la population tout en continuant le renouvellement urbain. Donc, emprunter est un choix politique assumé. Et nous avons les capacités d’emprunter parce que la ville s’est désendettée. Notre situation budgétaire est saine.
Auteur : Mathilde Azerot
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