Concert
De conserve avec "Master" Magou
Publié le

© Guillaume Clément - Ville de Tremblay-en-France
Il y a véritablement quelque chose de magique dans ces sessions-là : « Cela fait quelques années qu’au département guitare, on fait venir des artistes étrangers. Pour ce projet avec Magou Samb, ça tombait super bien parce qu’on avait jamais mis le curseur sur l’Afrique », sourit Frédéric Sanchez, professeur de guitares multi-casquettes au conservatoire et participant à la leçon du jour. Vrai qu’on aura autrefois voyagé de Flamenco en Brésil pour s’atteler cette fois de façon inédite aux rythmes afro-mandingues. Rien que le nom déjà, MAAD’STERCLASS, parce que c’est le réseau MAAD 93 (Musiques Actuelles Amplifiées en Seine-Saint-Denis) qui finance cette série de master class avec, aux manettes sur Tremblay, le guitariste sénégalais Magou Samb…
Mbalax
« Essayez de donner plus de respiration au jeu, il faut que la rythmique soit très fluide. Pourquoi ? Parce que comme ça vous jouerez avec moins de pression dans les doigts, si vous ratez une mesure, c’est pas grave : prenez des risques, les fausses notes, ça n’existe pas ! », rassure l’artiste en direction de ses élèves. Il a dit ça avec son joli phrasé un peu taquin et bienveillant, le p’tit chapeau vissé sur la tête, le corps accompagnant et dansant parfois la mesure.
Ce qu’on apprend ici au juste, c’est le Mbalax (signifie « musique » en langue wolof ; le « x » terminal se prononce comme la jota espagnole), soit un des rythmes les plus populaires du Sénégal. Depuis les coulisses de cette deuxième master class, on se régale et entre dans la douce transe que suscite ce son-là qui appelle chants, danse et percussions. Ici, c’est le mois de janvier et les guitares, de conserve avec Magou, nous transportent à la presqu’île de Ngor, au village de pêcheurs situé à la pointe ouest de Dakar dont il est originaire.
Là, le petit Samb va naturellement baigner dans la musique traditionnelle mandingue, dans le Mbalax, tout en bénéficiant de l’influence paternelle qui lui fera entendre du rock, du blues, de la soul et des sons afro-cubains… une chance et une ouverture, tout ça. Auteur, compositeur et interprète, on fonde bientôt le groupe Dakar Transit, écume les scènes : le talent de musicien et la magnifique voix du Sénégalais vont lui ouvrir une porte vers l’Allemagne où il enregistre Africa yewul (2006), son premier album chez Harmonia Mundi, excusez du peu !
« Le solfège est venu après la musique »
Aujourd’hui, alors qu’il s’est établi à Paris, Magou Samb est identifié comme l’un des meilleurs musiciens sur la place, « On s’étonne de ce qu’il ne soit pas programmé au Zenith, par exemple ! », note Guillaume Garcia, le directeur de la programmation l’Odéon. En directeur de master class, Magou Samb n’est pas mal non plus, distillant son savoir à une classe studieuse, composée de guitaristes plutôt confirmés, mais également de professeurs du conservatoire parmi lesquels Agnès Brancherie : « C’est super de faire se confronter nos élèves à une musique de tradition orale. Ça les fait sortir de leur zone de confort, sans partition. Lors de la première session, on a vraiment réussi à faire quelque chose et apprendre un morceau, en trois heures, dans une ambiance à la fois sérieuse et détendue. »
Ah, Master Magou, comment tu sens les choses avant la restitution de ce job, le 7 mars prochain ? « Ça rentre ! Ici, les professeurs ont une bonne approche et ne sont pas focalisés sur le solfège. Le solfège est venu après la musique, jamais avant. Au Sénégal, on est très rythmiques, on travaille les onomatopées comme les Indiens : tu écoutes une fois, c’est comme une dictée et tu essayes de reproduire. Le Mbalax, quand tu veux en faire trop, ça marche pas ! C’est une affaire collective. Il faut savoir s’écouter, jouer ensemble savoir manger dans un même bol ! » Jusqu’au bout, la métaphore : la série de master class devait initialement se dérouler sur une semaine. Inconcevable pour Magou Samb qui a préféré étaler les cinq séquences de novembre à mars, parce qu’« on n’est pas dans la musique fast-food là ! ».
Auteur : Eric Guignet