Portrait
Créateur de « Digni-T »
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© Guillaume Clément - Ville de Tremblay-en-France
L’ espoir de tout changer tient parfois à de petites choses. Quelques bandes d’adhésif sur le sol d’un couloir, une planche de bois et un skateboard... Ces bricolages inventifs ont bousculé la vie d’Arnaud Mestre et de sa famille. Voici l’histoire d’un fils qui s’est lancé corps et âme dans la fabrication de draisiennes pour redonner la dignité à son père, atteint de la maladie de Parkinson et qui depuis en a fait son métier. Il ne regrette en rien son poste dans le secteur automobile.
Habitant depuis six ans aux Cottages, il assemble ses draisiennes pour les personnes à mobilité réduite dans son atelier situé à la cité artisanale du Vieux-Pays, loué par la mairie. À l’intérieur, un vélo prêt pour une balade. Une passion transmise par son père, cycliste et son grand-père, marchand de cycles. C’est d’ailleurs sur ses vélos d’enfance et ses jouets à Poitiers qu’il fera ses premières expériences de bricolage. Arnaud Mestre est avant tout curieux, aime démonter pour mieux remonter.
En parallèle, le milieu médical l’attirait déjà. « Je me destinais à devenir kiné, mais j’ai été déçu par le concours. Comme je voulais faire un cycle court, je me suis orienté vers un DUT de génie mécanique », se rappelle-t-il. Le jeune Arnaud était alors dans son univers. Pour son premier poste, il a rejoint la société Valeo, un équipementier automobile, en tant que technicien. Durant 13 ans, il a gravi les échelons et exercé sur différents sites. Ensuite, durant 12 ans, il vivra « sa plus belle expérience professionnelle », chez l’équipementier SNOP, à Villepinte. Un jour de 2016, il tombe sur une vidéo qui scelle son avenir.
Défier la maladie de Parkinson
Un vrai déclic. Ces images ont bouleversé sa vision de la maladie de Parkinson, dont est atteint son père. « Je découvre la vidéo de Mileha Soneji, une Indienne dont l’oncle avait la même pathologie que mon père. Elle a découvert les indices visuels, des images d’escalier collées sur le sol ont permis à son oncle de remarcher. » C’est le choc. Pourquoi pas lui, pourquoi pas son père ? Des adhésifs sur le sol de la maison familiale lui confirment son intuition. « Mon père s’est remis à marcher au rythme d’une balade, alors qu’en temps normal il faisait un blocage sur la marche. Il a retrouvé sa dignité, car il était de nouveau debout, sans canne. J’ai balisé tout son rez-de-chaussée. Une semaine après, il s’était remis à faire du vélo », se remémore-t-il avec émotion.
Ces repères ont permis de connaître un aspect peu connu de la maladie de Parkinson : le père d’Arnaud et l’oncle de Mileha ne rencontraient pas de difficultés pour monter ou descendre un escalier, mais étaient bloqués sur un sol plat. Ces malades étaient plus l’aise dans le mouvement continu induit par des marches. Un jour, son père fait cependant une mauvaise chute. Arnaud Mestre imagine alors une structure qui permet de se déplacer debout sans effort : une draisienne. Avec une planche de bois, des équerres, deux roues et un skateboard, il construit un modèle en une journée.
« Il devait le glisser sous lui. Ce dispositif a facilité sa convalescence, qu’il a terminée sur son vélo ». Le fils le perfectionne en fabriquant une version en acier, plus maniable. Des amis l’aident pour la partie technique. Décidé à créer sa société, nommée Digni-T, il quitte son employeur en 2017. « En juin 2018, je soumets ce dispositif d’assistance aux professionnels lors d’un salon. En trois jours, j’ai enchaîné les rendez-vous ». Ses prototypes sont en outre testés dans des établissements médicaux et des EPHAD.
Le sourire et la fierté
Depuis, dans son atelier, il assemble et imagine ces modèles brevetés. « Lors des tests, on voit les résultats. C’est une fierté de pouvoir leur redonner le sourire ». En parallèle, il développe les indices visuels avec un boitier laser, trouve un usage inédit à certains objets comme des lampes frontales ou les tenues rembourrées des gardiens de but qui peuvent améliorer le quotidien des personnes handicapées. Il destine donc ses inventions à un marché médical.
Pour l’aider dans son projet, il est notamment accompagné par Aurore Lambert, chargée de relations avec les entreprises à Paris Terres d'Envol, qui le suit pour trouver des solutions de financement et faciliter ses démarches… « Arnaud Mestre est une personne passionnée, investie professionnellement, témoigne-t-elle. Notre objectif est qu'il puisse développer son entreprise sur notre territoire. »
Ses prochains objectifs ? Un salon à Lille en novembre où il espère repartir avec des premières commandes et… les Jeux Paralympiques de Tokyo en 2020. « Des athlètes pourraient défiler avec une draisienne, imagine-t-il. Pour Paris 2024, le porte-drapeau pourrait l’utiliser. Je peux aménager un support pour le drapeau ». Arnaud Mestre a pris les devants, une draisienne est déjà aux couleurs tricolores.
Auteur : Aurélie Bourillon