Portrait
Bénévole un jour, bénévole pour toujours...
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© Guillaume Clément - Ville de Tremblay-en-France
Quelques jours après un soir d’orage, récemment, Jeanne Marlinge ne craignait pas de l’avouer : elle a eu, comme à chaque fois, peur de la tempête. « Pendant longtemps, je n’ai pas su pourquoi j’avais constamment cette réaction en cas de grand vent », confie la septuagénaire. C’est en interrogeant sa sœur qu’elle avait obtenu une réponse. Ce traumatisme est lié à la chute d’un missile allemand V1, tombé en octobre 1944, place Marie Curie. Celle qui est née en 1942 rue de Provence habitait alors avec sa famille non loin de là. Ses parents étaient arrivés en 1929, en provenance du 18e arrondissement de Paris.
Tous deux s’étaient très rapidement investis dans la ville. « Mon papa était militant, conseiller municipal puis plus tard résistant. Ma mère l’aidait et s’occupait du comité des fêtes de la ville, au Vert-Galant surtout. Je pense que j’étais bénévole déjà dans le ventre de ma mère », sourit Jeanne, en pensant à tout ce que ses parents lui ont transmis. Elle a vu cette ville se transformer. « À mon époque, les quatre quartiers, le Vieux-pays, les Cottages, le Bois Saint-Denis et le Vert-Galant ne se mélangeaient pas. Le canal et le passage à niveau, avec son train à vapeur, faisaient comme un barrage », se rappelle-t-elle.
Tout comme elle se souvient de la salle des fêtes en bois du Vert-Galant, à l’actuel emplacement de l’école Marie Curie, qui servait alors également de gymnase. C’est là qu’elle a commencé, à l’âge de 5 ans, les cours de gymnastique, dispensés par un pompier bénévole. Elle évoque aussi son oncle, impliqué dans la création du premier club de foot de la ville et dont un espace du gymnase Guymier porte le nom : la salle Détry. Tout une mémoire de la ville !
Rythme amitié souplesse
Le bénévolat, elle l’a commencé à 18 ans, au centre laïc municipal et poursuivi du côté du foot, son mari étant l’un des responsables du club. « En ce temps-là, c’était les femmes de dirigeants qui lavaient les maillots ! », lâche la Tremblaysienne qui, côté professionnel, a exercé de 1958 à 1998, dans le domaine de la comptabilité principalement. En 2000, désemparée par la mort de son époux – alors qu’elle s’était mise en préretraite pour être à ses côtés –, elle repart finalement de l’avant, en se réinvestissant dans le tissu associatif sportif de la ville.
Sa voisine, qui est présidente de l’association Rythme amitié souplesse (RAS), lui demande de venir l’épauler, en tant que vice-présidente et trésorière. Jeanne prend finalement, en 2005, la présidence de l’association : celle-ci propose cinq créneaux de gymnastique volontaire par semaine pour deux types de public. « L’office des sports et la fédération de gymnastique volontaire nous ont à un moment donné incité à mettre en place un cours santé », souligne la présidente de RAS. L’association intègre donc deux créneaux hebdomadaires pour ce cours santé qui s’adresse à un public spécifique : toute personne isolée et éloignée du sport – ou bien souffrant d’une pathologie invalidante physique ou psychologique – et qui désire retrouver une activité associée à la convivialité ainsi que de la confiance en soi.
« Tout est adapté à chacun, en fonction de chaque personne, de son équilibre et de sa mémoire. » Les cours sont assurés par un animateur spécialisé et diplômé, par petits groupes de douze personnes maximum, afin de prendre en compte les besoins de chacun. « Notre objectif est de bien accueillir et d’accompagner ce public fragile, qui exige de l’attention ainsi qu’une forte capacité d’adaptation. J’assiste pour ma part à tous les cours », poursuit celle qui est également vice-présidente et trésorière de l’office des sports de Tremblay et trésorière de l’Apaas (association de promotion et d’aide aux activités sportives).
Transmission
Jeanne n’est pas peu fière que ses trois petits-enfants soient nés dans la ville qu’elle aime tant. Sa fille, qui a joué au foot à Tremblay, vit aujourd’hui en Alsace. « Elle me dit toujours que si ce n’était pas pour son travail, elle reviendrait habiter ici. En tout cas, elle fait là-bas partie de la sécurité civile et assure notamment des maraudes l’hiver », détaille la responsable associative. Le bénévolat est une science transmissible. Pourtant, comme partout, Jeanne déplore le manque de bonnes volontés dans les associations aujourd’hui. « Si vous avez des valeurs morales, que vous accordez de l’importance au respect de l’autre et au bien vivre ensemble – et que vous disposez un peu de temps, bien entendu – alors devenez bénévole ! Voilà ce que m’ont transmis mes parents, et que j’ai à mon tour transmis à mes enfants », affirme-t-elle.
Avec tout cela, elle ne profite pas tellement de sa résidence secondaire en Dordogne. Son fils n’habite pas très loin : il a plaqué un emploi au ministère des Affaires étrangères pour ouvrir un camping dans ce département. « Cette maison, nous l’avions achetée avec mon mari dans l’idée d’y passer notre retraite, alors elle est un peu chargée émotionnellement », confie Jeanne. Mais la dame ne manque pas d’occupation. « On ne peut pas être indifférent aux autres », conclut celle qui trouve encore le temps de téléphoner chaque matin à l’une de ses voisines de 94 ans, pour prendre de ces nouvelles. Une mémoire et un cœur grand comme ça !
Auteur : Daniel Georges