Portrait
Une solidarité à toute épreuve
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© Guillaume Clément / Ville de Tremblay-en-France
C’est peu dire que Juliette Fae a la solidarité dans la peau. « J’ai tout le temps vu mes parents accueillir des gens en difficulté à la maison. Enfant, j’étais toujours très entourée. Il y avait de nombreuses fêtes où l’on partageait tout. Du coup, la solidarité que j’ai connue là-bas, j’ai voulu la reproduire ici », fait valoir la tout juste quinquagénaire, née en 1970 en Côte d’Ivoire, arrivée en France en 1996, et installée à Tremblay depuis 2010. « Je connaissais déjà la ville, car de la famille à moi y habitait. J’avais trouvé tout très beau et très propre, cela m’avait plu ! »
Mais petit à petit, Juliette Fae prend aussi conscience que des gens se trouvent dans le besoin. « J’ai connu une jeune femme qui vivait à la rue. Elle fréquentait diverses associations pendant la journée, mais le soir, elle ne savait pas où aller. J’ai lancé un appel auprès de mes amies pour savoir si quelqu’un était en mesure de l’héberger. L’une d’elles a effectivement pu le faire. » La Tremblaysienne constate aussi que des personnes sans-abri se réunissent devant le supermarché Carrefour. « Je ne pensais pas qu’il y avait des SDF à Tremblay ; j’associais davantage ce phénomène à Paris. Cela m’a choquée. Je me suis demandé comment je pouvais les aider. Ma fille, qui est assistante sociale, m’a alors conseillé de créer une association. »
Elle aura pour nom Ensemble c’est possible : « Car lorsqu’on est seul, on sent vraiment le poids des difficultés. Mais si une personne est là pour vous apporter son expérience, ses idées, cela apaise grandement. »
Trois albums et deux singles
La responsable associative se demande alors quoi faire pour les SDF : « Je sais bien que des associations comme les Restos du cœur donnent des denrées alimentaires à leurs bénéficiaires. Mais quand on vit dans la rue, comment fait-on pour les cuisiner ? » Ni une ni deux, Juliette Fae décide avec ses camarades de concocter des repas chauds pour les apporter aux sans-abri. Une gageure, car l’association ne possède pas de locaux équipés d’une cuisine. Les bénévoles se relaient donc pour cuisiner, chacune chez elle.
« Cela représente pas mal de travail ! Il faut nous organiser méticuleusement pour qu’il n’y ait à aucun moment de rupture dans la confection et la livraison des repas. En été, nous préparons le repas du midi et en hiver celui du soir, que nous faisons le plus consistant possible. Et depuis peu, nous apportons aussi le petit-déjeuner. Nous ne voyons pas la pénibilité de la chose, car nous le faisons vraiment avec plaisir », souligne cette mère de trois filles. L’association ne se contente pas de préparer des repas. « Le côté humain est très important : il faut prendre le temps de tisser des liens avec les sans-abri, de les orienter vers les structures qui sont les mieux à même de les aider, car ils ne savent pas, la plupart du temps, à qui s’adresser ».
Les bénévoles se soucient également des personnes âgées qui, autour d’elles, se trouvent dans la précarité. Les membres de l’association leur rendent visite, ou proposent quelques petits travaux de ménage, « ce qui crée toujours un moment d’échanges ». Avec toutes ces activités, Juliette Fae trouve tout de même le temps de s’adonner à la chanson. « J’ai commencé à 14 ans, à la chorale de l’église. Et cela continue depuis ! », confie celle qui a déjà sorti trois albums et deux singles.
L’infatigable Tremblaysienne travaille même, en ce moment, à son quatrième album. « Mes amies me disent que je consacre trop de temps à l’association, et pas assez à la chanson. Pour tout vous dire, la danse, que j’ai pas mal pratiquée en Afrique, est ma première passion. Mais depuis que je suis en France, c’est la chanson ! C’est sans doute ce que l’on appelle la destinée… »
« Briser les solitudes »
2020 a été une année chargée pour Ensemble c’est possible. À Noël, les bénévoles ont confectionné des colis de vêtements, de produits d’hygiène et de denrées alimentaires. « Nous avons même invité à notre table, pour le réveillon, une petite mamie délaissée par sa famille. Elle nous a dit que c’était la meilleure soirée qu’elle ait passée depuis qu’elle vit seule », se félicite Juliette Fae. Pendant le premier confinement, les bénévoles de l’association n’avaient pas non plus chômé : elles ont fabriqué quelque 400 masques en tissu, pour les sans-abri et plus généralement pour toutes les personnes qui en avaient besoin.
« Nous en avons même vendu, au prix de 3 euros, alors qu’à ce moment-là, ils coûtaient très cher dans le commerce. Les fonds ainsi récoltés nous ont permis d’acheter des denrées, pour les distribuer aux personnes fragiles », raconte cette altruiste qui se définit comme « joyeuse de nature » et qui affirme que la première chose qu’elle a à donner, c’est son sourire. En 2021, elle ne souhaite rien tant que de continuer à « briser les solitudes » – ce qui ne l’empêchera pas de s’offrir une parenthèse en Côte d’Ivoire pour y tourner un clip.
Auteur : Daniel Georges