Une salle pleine. Pas une chaise de libre. Dans ce lieu symbolique de Tremblay baptisé Angela Davis, jeunes, associations, élus et intervenants se sont retrouvés pour une demi-journée d’échanges consacrée à la lutte contre les discriminations et l’accès aux droits des jeunes. Accueillis par le maire François Asensi, le président du Département de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel et la Conseillère départementale déléguée à la lutte contre les discriminations à la jeunesse, Oriane Filhol, ont présenté cette rencontre visant à reconnaître pleinement la légitimité des jeunes à être ce qu’ils sont, par leurs genres, leurs origines, leurs lieux de vie... pour l’élaboration d’une politique visant à améliorer leur qualité de vie.
« Comment mieux accompagner les jeunes face aux discriminations ? » s’est-on interrogé. Car si la Seine-Saint-Denis est le département le plus jeune, une stratégie jeunesse, elle, n’est pas encore identifiable. Selon l’Observatoire départemental, 47 % des jeunes estiment que les discriminations ont augmenté ces cinq dernières années, principalement en raison de la couleur de peau, d’une religion (supposée ou réelle) ou d’une origine (supposée ou réelle). Les chiffres de l’Observatoire départemental sont confirmés par ceux du baromètre de la délégation Égalité et citoyenneté du département.

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Chez les 18-25 ans, 68 % expriment leur inquiétude face aux discriminations. Près d’un tiers disent avoir modifié leur CV pour décrocher un emploi par crainte d'être discriminés. Cette stratégie de contournement ne concerne pas uniquement les jeunes des quartiers prioritaires, elle est également adoptée par ceux issus des zones rurales, révélant une problématique généralisée. Les lieux où se concentrent ces injustices sont bien identifiés : emploi, universités, services publics administratifs. À l’inverse, les espaces culturels, eux, apparaissent comme des refuges, des espaces sûrs où la parole de tous les jeunes peut être entendue et valorisée.
« L’impact des discriminations sur les jeunes est inquiétant »
Au-delà des chiffres, des voix se sont élevées. FaridK, slameur tremblaysien en situation de handicap, dénonce dans un slam, Madame la discrimination, décrite comme une gangrène qui ronge la société. Mariam Diawara, fondatrice de Banlieue Femme dresse, quant à elle, un constat sans appel : les femmes des quartiers populaires sont les grandes oubliées du féminisme et elle rappelle l’invisibilisation que subissent les femmes noires, « trop peu représentées dans l’espace public ». D’autres pointent également du doigt la persistance des métiers encore très genrés et les inégalités d’accès, notamment pour les femmes, dans de nombreux secteurs dits « masculins ».
Mais les premiers concernés proposent des solutions concrètes : cercles de paroles, permanences pour l’orientation, et pour l’accès aux droits, ou encore pour apprendre leurs droits, sensibilisation via les réseaux sociaux. « Sans les réseaux sociaux, on occulte une partie de la réalité », souligne Noor Chayet, responsable de l’association Ghett’Up. Elle appelle à décrypter les informations pour renforcer la légitimité des jeunes dans l’espace public car « l’impact des discriminations sur les jeunes est inquiétant », conclut-elle.

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Le droit comme pilier dans les luttes
Or force est de constater que par manque d’information, de sensibilisation ou de dispositifs adaptés, nombre de jeunes se retrouvent exclus des ressources auxquelles ils ont pourtant droit. « Beaucoup ignorent les dispositifs existants ou n’ont pas les moyens d’y recourir » témoigne un participant dans le public. L’accompagnement psychosocial est jugé insuffisant et le manque de sensibilisation juridique accentue le sentiment d’exclusion. Pour beaucoup, faire valoir ses droits ressemble encore à un parcours du combattant.
Malgré cela, 80% des jeunes se disent prêts à s’engager, même si la moitié estime ne pas avoir les moyens financiers ou le temps de le faire. « Favoriser leur engagement est un cercle vertueux », résume Noor Chayet.
À l’issue de la concertation, Oriane Filhol, Conseillère départementale déléguée à la lutte contre les discriminations et à la jeunesse annonce rédiger un plaidoyer afin de porter la voix et de mettre en lumière leurs priorités, en Seine-Saint-Denis et partout en France. Parce que donner la parole aux jeunes c’est bien, leur donner les moyens d’agir, c’est mieux.