Être la fille de Jesus Aguaje Ramos (tromboniste et directeur musical du Buena Vista Social Club), cela a dû forcément vous influencer ?
C’est sûr ! Il y a eu d’abord ce besoin de lui ressembler, et de l’impressionner. C’est certainement ce qui m’a rapidement amenée à vouloir monter sur scène. La première partie de ma vie, c’est Cuba et Pinar del Rio, où je suis née en 1979. J’ai commencé à étudier la musique et la flûte traversière dès 8 ans et j’ai été diplômée à La Havane.
Mais je n’ai malheureusement pas poursuivi dans cette filière classique parce qu’à un moment je n’avais plus d’instrument. J’ai dû me débrouiller autrement. J’ai alors commencé à faire des percussions, à chanter dans des cabarets et dans des formations de salsa et de musique traditionnelle cubaine. C’est d’ailleurs avec un de ces groupes que je suis sortie de Cuba pour la première fois...
Vous avez aussi baigné dans l’univers magique des orishas et de la santeria (religion originaire de Cuba et dérivée de la religion yoruba)...
Oui, et ce n’est pas pour rien que je m’appelle la Dame Blanche ! C’est un mythe que j’ai récupéré, c’est un hommage à mes ancêtres et cela fonctionne comme un clin d’œil. Je suis toujours santera, et dans les cérémonies de la santeria, les premiers gestes s’accompagnent d’un bon cigare et d’un peu de rhum blanc. Cela m’accompagne aussi sur scène.
Comment êtes-vous arrivée en France ?
J’y suis maintenant depuis vingt ans. C’est le résultat des opportunités de la vie, de l’amour... et quand je suis arrivée, la salsa était très à la mode. Même si je ne parlais pas français au début, même si le changement culturel a été assez difficile, il y a eu tout de suite du boulot. Et les collaborations se sont enchaînées avec l’Orchestre du Splendid. J’ai chanté avec El Hijo de la Cumbia [un DJ producteur argentin]...
Et les débuts de La Dame Blanche ?
Mon premier album, Piratas, est sorti en 2014 et c’est à peu près à ce moment-là que j’ai commencé avec ce projet en expérimentant les premiers jets un an auparavant. L’idée? C’était de bousculer, de « faire chier le monde » ! J’en avais vraiment assez de cette perversion qui consistait à vouloir impressionner les miens, de rester avec des projets dans le tiroir: ça sonnait comme un scandale par rapport à ce que faisait mon père, à son classicisme. Pour ma famille, c’était très bizarre de me voir faire du rap et du hip-hop : ils ont pensé que j’allais abandonner la flûte, alors que mon idée, c’était de mettre ça en œuvre pour me distinguer de ce que faisaient les autres, tout en défendant ma culture...
Justement, pourquoi le hip-hop ?
C’était pour moi la meilleure façon de mélanger mon esprit, ma voix et ma flûte. La rencontre avec le hip-hop, c’était ma libération.
Vous dites que la scène, c’est une forme de thérapie...
C’est exactement ça. Une thérapie, un orgasme... le moment où je me donne entièrement. La scène, c’est le lieu que je respecte le plus.