Vous allez jouer le 5 avril prochain à l'Odéon, à Tremblay-en-France. Qu'allez-vous interpréter sur scène ?
C’est un programme constitué de pièces qui comptent pour nous, qui nous ont touché à un moment de notre vie, dans notre enfance, dans nos études ou dans nos amours… Il explore un large éventail de styles et d’époques, ce qui le rend très attractif car il y a de gros contrastes. Le programme comprendra les compositeurs et œuvres suivants : Philippe Glass, Etude n°6 ; Astor Piazzolla, Tango Suite : Tango n°1 ; Keiko Abe, Variations on Japanese childrens song ; Wolgang Amadeus Mozart, Sonate pour piano n°11 K331 : Mouvements 1 & 3 ; Edvard Grieg, Chant du gardien, Op 12 n°3 ; Serguei Rachmaninoff, Suite en ré mineur pour orchestre : Mouvements 1, 2 & 3.
Pourquoi avoir voulu revisiter des chefs-d'œuvre du répertoire pianistique et ne pas interpréter de compositions personnelles ?
Nous avons décidé de jouer du répertoire pour piano car c'est la musique qui nous parle le plus dans le domaine du classique et qui est également arrangeable sans dénaturer l'œuvre, contrairement aux réductions d'orchestre qui font très pauvre aux marimbas.
Le marimba est un instrument singulier, original ; pourriez-vous m'en parler ?
Marimba signifie "bois chantant" et ce mot définit bien la douceur et la profondeur qui peut émaner de cet instrument. Son ancêtre est le Balafon, plus petit est originaire d'Afrique. Il a ensuite migré en Amérique du Sud où c'est un instrument traditionnel (notamment au Mexique). Au fur et à mesure le marimba a évolué, se dotant d'un clavier chromatique comme un piano. C'est dans les années 1980 qu'on définit le marimba dans sa forme actuelle, allant jusqu'à cinq octaves.
« Une sorte de colonie de vacances »
Quand et comment avez-vous formé votre duo ?
On s’est rencontré à Percu’Sud en 2020, une sorte de colonie de vacances mais façon percussions. On avait beaucoup de points communs, notamment sur nos goûts musicaux mais aussi sur les loisirs avec le foot par exemple. Et deux ans après, nous étions tous les deux étudiants au Conservatoire National Supérieur de Lyon ; ça nous paraissait donc évident de jouer ensemble.
Quels ont été vos parcours musicaux et/ou artistiques (question destinée à vous deux) ?
Lorenzo : J’ai commencé par la batterie à 8 ans en faisant également un peu de percussions. A 18 ans j’ai étudié au conservatoire de Lille avant de rentrer trois ans plus tard au CNSMD de Lyon. J'étudie actuellement un master de percussions dans l'Anton Bruckner PrivatUniversität à Linz, en Autriche. Ainsi qu’un master de musique de chambre au CNSMD de Paris.
Ivan : J'ai commencé la percussion à 6 ans au conservatoire d'Alençon où j'ai également fait du piano et du saxophone. J'ai ensuite passé mon DEM, puis ma licence d'interprète à Tours et mon master d'interprétation au CNSMD de Lyon. Je continue un post master en orchestre au sein de l'orchestre de la Suisse romande et un master de musique de chambre au sein du duo Haïkaï au CNSMD de Paris.
Quels sont vos goûts musicaux ?
Lorenzo : J’ai découvert la musique classique à 18 ans et depuis j’en suis tombé amoureux ; donc ça occupe une très grande partie de mes écoutes. Mais j’aime toujours écouter des chansons françaises, du rap, et un peu de jazz.
Ivan : Je passe ma vie avec un casque audio sur les oreilles ; donc j'écoute beaucoup de choses différentes. De manière quotidienne c'est plus de la musique classique, du métal et de la synthwave.
Pourquoi avoir souhaité jouer en duo ?
C'est avant tout une volonté artistique de pratiquer de la musique de chambre. J'en ai beaucoup fait durant mes études avec différents instrumentistes mais les contraintes de distance et l'alchimie n'étaient pas forcément adéquates. Nous avons chacun trouvé dans ce duo une personne avec qui humainement on s'entend extrêmement bien et avec qui on partage une vision musicale commune.
Pourquoi le nom Haïkaï ? Et que signifie-t-il ?
Les haïkaïs sont une forme de poème japonais, c’est également le nom d’une pièce de Olivier Messiaen (Les Sept Haïkaï), une des premières pièces que nous avons jouées ensemble.
Qu'apporte de plus le marimba à la musique en général ?
Il apporte un caractère doux et résonnant aux percussions qui ont pour habitude de donner tout l’inverse : un caractère énergique et sec, très rythmique. C’est un instrument fascinant car on peut vraiment ressentir les vibrations dans toute la salle lorsque l’acoustique le permet.
« La percussion, ça peut être doux et poétique »
Dans un texte de présentation, il est indiqué que "le marimba se fait tour à tour conteur, danseur et poète." Pouvez-vous expliquer ?
Les gens soulignent régulièrement la nature poétique de notre manière de jouer du marimba ; c’est quelque chose qui nous tient à cœur ; montrer que la percussion, ça peut être doux et poétique et pas seulement percussif et énergique. Le côté danseur vient de la chorégraphie des musiciens autour de l’instrument ; il se joue debout et fait près de trois mètres de long ; donc il y a beaucoup de mouvements qui créent une danse du musicien avec son instrument.
Le marimba a été utilisé dans la pop musique, notamment par Brian Jones, des Rolling Stones ? Qu'en pensez-vous ?
Le marimba est utilisé dans de nombreuses compositions, que ce soit rock, musique ambiante, folk, musiques de pub. On ne s'en rend pas compte mais il est bien plus présent que ce qu'on imagine dans le paysage musical. Pour ma part c'est toujours agréable d'en entendre dans un autre domaine que la musique classique/contemporaine.
Vous produisez-vous souvent sur scène ? Et où ? Et depuis combien de temps ?
Ensemble, on se produit plusieurs fois par an, dans différentes salles de concert en France. Nous commençons seulement depuis quelques mois la professionnalisation du duo ; donc pour l’instant peu de dates sont prévues. Mais vous pouvez suivre notre actualité sur les réseaux sociaux si vous souhaitez nous écouter ! (Duo Haïkaï sur Instagram, Facebook et Youtube).
Sur scène, lors de vos concerts, que se passe-t-il ? (Eclairages, mise en scène, etc. ?)
C’est très épuré ; on aime la simplicité et on préfère mettre l’accent sur la musique que sur d’autres artifices. Donc vous ne retrouverez sur scène que nos deux marimbas et nous mêmes.
Est-ce que le marimba est utilisé dans la musique classique, notamment symphonique ?
En musique classique peu, parce que c’est un instrument nouveau ; donc les compositeurs n’ont pas eu beaucoup d’occasions de l’utiliser. Mais en musique contemporaine c’est un instrument très prisé. Il y a beaucoup de pièces orchestrales - ou en petit ensemble - qui l’utilisent.
Quels sont vos projets ?
À court terme, le projet principal est d'avoir un maximum de concerts et de monter différents programmes susceptibles de plaire à un large public. Une fois que nous serons sûrs d'un programme, la question de la production d'un CD se posera très certainement. En parallèle, la participation à différents concours internationaux nous semble intéressante.
Propos recueillis par François Milan