Il vient de publier un ouvrage sur les terribles journées de juin 1940, avec la banlieue en toile de fond.
Quand on lui demande d’où peut bien venir sa passion pour l’histoire, Hervé Revel glisse malicieusement qu’il a vu le jour en 1936, année qui lui est chère puisqu’elle a aussi vu l’arrivée au pouvoir du Front populaire. Enfant, il a vécu l’Occupation mais reste pudique en évoquant son père, qui fut résistant. Était-il à l’époque au courant des activités paternelles ? « Même s’il n’en parlait pas, on s’en doutait bien car il ne dormait jamais à la maison, de peur que les Allemands ne viennent l’arrêter la nuit. Mon père avait une ferme, située à côté de deux autres. Avec ses camarades, ils sont parvenus à dissimuler la présence d’un opérateur radio, en le cachant dans les trois fermes », confie le natif de Belvèze-du-Razès, dans l’Aude.
Hervé Revel aurait aimé exercer comme professeur d’histoire, « mais il y avait à l’époque peu de postes qui étaient ouverts ; alors je suis devenu prof de français ». Il a commencé à enseigner au début des années 1960, après avoir été appelé sous les drapeaux pour servir en Algérie, en qualité d’officier de réserve. Le professeur de français est ensuite devenu principal de collège ; il a terminé sa carrière en 1996 comme proviseur du lycée Léonard-de-Vinci à Tremblay. L’octogénaire garde de très bons souvenirs de sa vie professionnelle : « À cette époque, les profs avaient un vrai enracinement local grâce aux logements de fonction. On rencontrait les parents d’élèves en faisant les courses ; des amitiés se créaient. »
Ancien adjoint au maire
Avec plusieurs collègues enseignants, Hervé Revel est à l’origine de la Société d’études historiques de Tremblay-en-France (SEHT). Créée en 1973, la SEHT, qui vient de publier son 43e bulletin, partage son activité entre la recherche historique, la publication de ses travaux, la valorisation du patrimoine (comme la sauvegarde des sites protégés et monuments classés du Vieux-Pays) et l’organisation de sorties pour ses adhérents. « Quand je suis arrivé à Tremblay, les travaux sur l’histoire de la ville se résumaient à une monographie de l’abbé Lebeuf, publiée au xviiie siècle », souligne celui qui a été adjoint au maire à l’Action culturelle de 1997 à 2001. L’élu qu’il était a notamment accompagné la création du centre culturel Louis-Aragon, de la bibliothèque Boris-Vian et du cinéma Jacques-Tati. Il est également fier d’avoir été, avec la SEHT, à l’origine du changement de dénomination de Tremblay-lès-Gonesse.
Ce passionné, qui vit actuellement dans la capitale, vient de publier un ouvrage très détaillé, intitulé Entrée de Paris et sa banlieue dans la Deuxième Guerre mondiale, 13 et 14 juin 1940 (Éditions Vérone, 2020). Une publication préfacée et saluée par François Asensi, le maire de Tremblay, qui parle d’un « historien sensible (…) ayant exhumé des événements qui, sans lui, seraient probablement restés dans l’ombre et ignorés par les populations de notre secteur ». Pendant trente ans, Hervé Revel a dépouillé des milliers de pièces relatives à la Seconde Guerre mondiale, et interrogé des centaines de témoins. Son récit traite du moment où les soldats allemands entrent dans Paris, alors déclarée ville ouverte. Le 24e bataillon de chasseurs alpins devait absolument interdire le franchissement du canal de l’Ourcq à l’ennemi, ceci afin de protéger la retraite des armées françaises vers la Loire. Bloquées pendant près de vingt-quatre heures, les troupes nazies, furieuses de leurs pertes, fusillèrent quinze otages civils – dont des Tremblaysiens – le 14 juin 1940, quelques heures avant leur défilé triomphal dans les rues de la capitale.
Don aux archives municipales
« Je connais la biographie de chacun des fusillés », assure Hervé Revel, qui avait prévu une expo en juin dernier, avec dix-neuf panneaux présentant une centaine d’images et de documents, pour le 80e anniversaire de ces terribles journées. Mais le confinement a empêché la tenue de l’événement, reporté en septembre, lors des Journées européennes du patrimoine, au cours desquelles Hervé Revel a également dédicacé son dernier ouvrage.
Le spécialiste a en outre choisi ce moment pour faire don des documents qu’il possède aux archives municipales. Il tient aussi à rendre hommage à son épouse, prénommée… France : « Elle partage tous mes engagements. Toutes les semaines, en ma compagnie et aux côtés du bureau de l’association, elle assure la permanence d’accueil de la SEHT et organise la plupart des sorties », souligne l’officier des Palmes académiques, également chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres.
On s’en doutait un peu, l’ancien enseignant n’a jamais le temps de s’embêter. « Si on n’a pas de passion, on s’ennuie ! Moi, j’aime en fait ce qui est important et peu connu », détaille le spécialiste, qui a également publié il y a quelques années La Banlieue nord-est de Paris dans la Seconde Guerre mondiale (Éditions Fiacre). Un ouvrage fouillé qui met en valeur l’engagement de résistants aujourd’hui oubliés.
Hervé Revel connaît aussi mille choses sur l’histoire de Tremblay : « Savez-vous à quoi la ville de Tremblay doit son nom ? », interroge-t-il. « Eh bien, à un arbre, le tremble, qui est la seule variété de peuplier forestier. Hélas, à ma connaissance, il n’en reste plus à Tremblay… »