Comment définiriez-vous votre musique ?
C’est une très bonne question, mais je n’ai pas de bonne réponse. C’est comme si on me demandait de me regarder moi-même. Au-delà du rap, j’ai eu énormément d’influences ; j’aime la chanson. Je n’ai aucun problème à l’admettre ; j’ai eu l’occasion de découvrir de très belles chansons françaises. J’ai été élevée avec de la soul américaine, de la musique nigériane. J’essaie de mettre tout ça dans ma musique.
Votre actualité, c’est notamment votre dernier album, Hélicoptère. Commente est-il né ? Quelle est sa genèse ?
Le pourquoi de cet album ? C’était d’abord pour sortir de la dépression parce que j’ai sombré dans une grave dépression il y a quelque temps. C’est dans ce contexte que sont nés les premiers textes. Beaucoup des chansons de ce disque ont été réalisées chez moi, à la maison. J’ai l’ai produit avec un ordinateur, ma guitare ; en home-studio en quelque sorte. On a rejoué et arrangé ces morceaux avec Bastien Dorémus, (Clara Luciani, Christine & The Queen), Lazy Flow (Meryl) et Felipe Saldivia (Idir, Orelsan) ; chacun d’eux a sa touche ; chacun a apporté sa touche à la musique que j’essaie de faire.
Vous êtes actuellement en tournée ? Depuis quand ? Est-ce que ça se passe bien ?
Oui, j’ai commencé une tournée en février ; elle devait se terminer cet été, mais elle se poursuit jusqu’à l’année prochaine. Je suis sur scène avec deux musiciens, un guitariste et un batteur. Je joue bien sûr des morceaux du dernier album, Hélicoptère. Et comme j’ai derrière moi une carrière de 25 ans, je joue aussi d’autres titres de ma discographie.
Vous êtes né à Clichy et avez vécu à Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis. Est-ce que le concert que vous allez donner le 9 novembre prochain au Théâtre Louis-Aragon, à Tremblay-en-France, revêt pour vous une importance particulière ou symbolique ?
Pour moi, chaque concert est unique ; avec le public, j’essaie de vivre le moment présent. C’est sûr qu’il ne s’agira pas d’une date de plus. Mais je dois avouer que je ne connais pas bien Tremblay-en-France. Comme j’ai vécu dans le « neuf-trois », je connais cette ville de nom et de réputation.
Et cette réputation est-elle bonne ?
Oui, elle est plutôt bonne dans mes souvenirs.
Vous avez joué et/ou enregistré avec Orelsan, Tété, Matthieu Chédid ; vous avez également joué pour le trentième anniversaire de la mort de Daniel Balavoine. On est bien loin d’un certain gangsta rap…
Je n’ai jamais été dans la mouvance gangsta rap. Je ne suis pas connu pour ça ; ça ne m’a jamais intéressé. J’ai vécu dans une cité ; je n’avais pas les moyens ; c’était compliqué. Il y a énormément de gens comme moi dans les cités, mais ce n’est pas ce qui intéresse le plus les médias. Ce n’est pas assez piquant. Je souffre beaucoup que cette majorité silencieuse ne soit pas assez représentée. Je tente de la représenter du mieux que je le peux. La plupart des gens qui vivent dans les cités, sont des personnes qui vont au travail, se débrouillent le mieux qu’elles le peuvent, dans la légalité. Or, on ne parle jamais de cette majorité-là.
Vous avez joué, en 2014, lors de la première édition de l’Abbé Road, concert caritatif de la fondation Abbé-Pierre. Avez-vous eu l’occasion de rencontrer ce dernier et que pensez-vous de l’actuelle polémique ?
Je n’ai jamais rencontré l’abbé Pierre. Concernant la polémique, c’est compliqué. A l’école, j’ai eu l’occasion de lire l’écrivain Louis-Ferdinand Céline qui n’était pas le meilleur des types ! Il avait quelques casseroles, c’est le moins qu’on puisse dire. Il était misogyne, raciste et pourtant son œuvre est belle, magnifique et lui, n’est pas du tout un homme magnifique. Il est odieux mais ses livres sont beaux dans l’ensemble. Il peut y avoir des types odieux qui font de belles œuvres. Cela ne veut pas dire que j’adoube l’abbé Pierre, ou R. Kelly, ou P. Diddy… mais il peut y avoir des types odieux qui font de belles créations ; il faut qu’on comprenne ça ; il est temps qu’on grandisse. Il n’y a pas d’anges sur terre ; il n’y a pas de démons sur terre. Il n’y a que des hommes.
La chanson « Africain de France » est particulièrement émouvante ; elle comporte cette si belle phrase : « Je ne sais rouler qu’en tandem. » Pourriez-vous m’en dire plus à propos de cette chanson et de cette phrase ?
Cette phrase résume bien mon cheminement. Je suis né en France de parents nigérians (qui n’ont rien à voir avec la France à la base). J’ai donc bénéficié des deux cultures : l’africaine dès que je rentrais à la maison et la française dès que j’allais à l’école. Beaucoup de gens m’ont fait comprendre que je n’étais pas français et que je n’en avais pas l’air. Et quand j’allais au Nigeria, on me disait : « Oui, tu es Nigérian, mais… mais tu ne parles pas exactement la langue ; tu as un accent ; tu es un européen en fait. »