Société
Rencontre poignante autour de la radicalisation
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© DR - Ville de Tremblay-en-France
Depuis plusieurs semaines, la médiathèque Boris Vian s'est implantée à l'espace Angela Davis où siège l'Office municipale de la jeunesse de Tremblay (OMJT). Loin des clichés, un groupe de jeunes lycéens a accepté de traiter d'un sujet aussi polémique qu'actuel, dans le cadre d'un club lecture jeunesse engagé par l'OMJT : l’enrôlement de jeunes Français dans le djihadisme.
À travers le livre de Véronique Roy, Quentin qu'ont-ils fait de toi ?, récit relatant l’histoire de son fils, Quentin, qui part en Syrie pour faire le Djihad. Cette mère de famille nous place ainsi dans une position inhabituelle voire bouleversante vis-à-vis de ce sujet, c'est avec compréhension qu'on suit Quentin vers sa radicalisation progressive. Pour ce faire, Véronique Roy nous raconte l’enfance de son fils, son entourage, ses centres intérêts, les questions philosophiques et spirituelles qu’il se pose. On retrouve les différentes étapes qui le mènent vers son tragique départ, accompagné des réactions de ses parents et son frère aîné devant cette situation qui les dépassent.
C’est à travers l’écriture de Timothée Boutry, journaliste reporter au Parisien, qu’on est plongé dans les pensées des membres de la famille, leurs peurs et leurs inquiétudes ainsi que leurs joies et leur amour pour l’autre. On est happé par l’histoire qu’on pourrait qualifier de biographie et de thérapie familiale.
Tolérance
Jihanne, 19 ans, a accepté de participer à ce projet qui est aussi un défi. En effet, cela fait 3 ans que cette jeune du Lycée Léonard-de-Vinci est arrivée en France. D’origine Espagnole, Jihanne explique ce qui l’a poussé à lire ce livre : « C'est un thème d'actualité. Étant de confession musulmane, je voulais comprendre comment ces jeunes arrivent à rentrer dans ce schéma de radicalisation. » Cette Sevranaise est touchée par la tolérance de la famille Roy « Je respecte la manière de penser de Véronique et Thierry Roy, ils n'ont pas de haine contre l'Islam, la tolérance dont fait preuve la famille en acceptant la religion de Quentin est ce que j’ai le plus aimé dans le livre. J’ai aussi été émue quand Véronique Roy a eu la notification disant que son fils est décédé. »
Jihanne revient aussi sur la soirée à la médiathèque qui l’a marquée : « Ça m'a fait plaisir de la voir en personne, j'ai vu qu'elle était sincère, qu'elle avait souffert, je respecte le fait qu'elle continue à sensibiliser malgré le fait que ça soit éprouvant de raconter à chaque fois cette histoire. À sa place j'aurais craqué à chaque fois.»
La force du récit
Samir : 18 ans, Tremblaysien, en terminale Science de l’Ingénieur a accepté de participer à cette expérience : « À la lecture de la quatrième de couverture, je n’ai pu m’empêcher de me plonger dans cette histoire. Je n’ai pas du tout l’habitude de lire et quand je lis, il s’agit d’histoires, d’articles sur internet, mais pas de romans, de récits. J’ai beaucoup aimé ce livre, je dirais même que beaucoup ne suffit pas à exprimer l’admiration que j’éprouve. C’est la première fois que je suis autant touché par un livre que j’ai lu en seulement 3 jours pour 300 pages ! La façon dont Véronique Roy s’expose est fascinante, elle trouve toujours la force de raconter tous ces moments qui sont terribles pour elle. Mon passage préféré est celui de la conversion. Ce chapitre est décisif, à la fois comme preuve du respect et de l’accompagnement des parents dans le parcours spirituel de leur fils, mais aussi parce qu’on ne le sait pas encore mais ça sera le point de départ d’un engrenage qui termine dramatiquement. »
Réflexion
À la médiathèque le public était à l’écoute, l’ambiance était conviviale bien que baignée dans une atmosphère pesante. Le témoignage des deux parents a touché l’auditoire, à certain moment jusqu’à leur mettre les larmes aux yeux. Les jeunes de l’OMJT ont animé la séance par la lecture des passages qu’ils avaient sélectionnés et par leurs questions. Véronique Roy a noté que « pour une fois, ce sont des jeunes, de l’âge de Quentin, qui me questionnent ».
En quittant cette assemblée, le groupe de l’OMJT est traversé par cette même question : comment mettre fin à cette dérive intégriste ? Loin de proposer une recette miracle pour éviter le tragique destin « de jeunes qui nous ressemblent », Véronique Roy a commencé le travail et fait émerger les interrogations, avec empathie et intelligence, pour contrer ce processus d’engrenage sectaire.