Concert
Forza « Albanitalia » !
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© Himitsuhana
On ne peut rien comprendre de ce que vous faites si on ne signale pas d’emblée votre origine méridionale, les Pouilles, le Salento ?
Oui, en effet, je viens d’une région où l’on parle davantage le dialecte que l’italien ! En réalité, nous nous trouvons sous influences multiples, à vivre en face des Balkans. Du Salento [sud-est des Pouilles, talon de la botte italienne], nous sommes ainsi plus proches de l’Albanie ou de la Grèce que de Rome, par exemple.
Dans ce contexte vous avez suivi très tôt une formation musicale classique…
Oui, j’ai commencé comme ça par l’étude du pianoforte et de la harpe au conservatoire de Lecce. Mais à un moment, je me suis rendu compte que la musique traditionnelle, c’està- dire la musique qui a une fonction – pleurer ensemble, travailler dans la campagne, etc. – c’était quelque chose de plus vrai et qui me donnait plus de liberté, plus d’émotion aussi, pour m’exprimer.
Je n’avais alors pas même 18 ans et j’habitais à la grande ville, à Lecce, chez mes parents. Là, je n’avais pas l’occasion d’écouter la musique traditionnelle [la Pizzica des Pouilles]. Mon père chantait, mais il était plutôt question d’opéra et de chant lyrique. J’ai découvert la musique traditionnelle par des anciens : par chance, il y a encore dans la région des personnes âgées qui, heureusement, la chantent et la perpétuent.
Comment avez-vous professionnalisé cette rencontre, cette émotion ?
Dans les années 2000, j’ai chanté au sein du Canzoniere Grecanico Salentino, un groupe très connu avec lequel j’ai beaucoup appris. Plus tard, il y a eu aussi beaucoup de collaborations très diverses qui m’ont permis d’approfondir mon champ vocal. J’ai eu par exemple la chance de chanter, de façon complètement improvisée en duo avec Bobby McFerrin à Bari ! J’ai également travaillé avec le réalisateur Carlos Saura pour un film autour du Flamenco...
Toutes ces écoutes et expériences de voix diverses sont une chance pour un chanteur, pour permettre de mieux exprimer des émotions. J’ai beaucoup étudié les manières de chanter qui ne renvoient pas seulement à l’esthétique, mais plutôt à la fonction du chant, de la voix : par exemple, la façon particulière d’appeler les animaux quand on travaille à la campagne.
Quelle est l’identité musicale du projet entrepris avec Redi Hasa ?
Redi Hasa est un violoncelliste albanais qui est très connu en Italie. On a commencé à travailler depuis 2007 en puisant chacun dans nos traditions musicales, des Balkans et du Sud de l’Italie. À un certain moment, on a ressenti l’envie de créer notre propre langage musical. Redi propose les compositions en pensant à ma voix, tandis que de mon côté je dirige la thématique. Enfin, on travaille les arrangements ensemble. On fonctionne à l’émotion : le morceau est bon pour nous s’il donne de l’émotion…
Quel est le chemin parcouru entre Ura (2014), votre 1er album, et Novilunio qui est sorti en octobre dernier ?
Sur Ura, qui signifie « pont » en albanais, il s’agissait de construire un pont imaginaire entre nos deux cultures. Maintenant c’est Novilunio, « nouvelle lune », et une nouvelle histoire qui commence par une tentative de créer un langage musical. Sur le 1er album, on avait ainsi 8 chansons traditionnelles et quelques compositions, sur le dernier c’est tout l’inverse ! On a également voulu ouvrir notre horizon en invitant des musiciens comme Bijan Chemirani, un percussionniste iranien, et Mehdi Nassouli, un chanteur marocain.
Qu’est-ce qu’il nous dit cet album ?
L’amour, c’est un peu la première thématique, mais à travers différentes manières de penser à l’amour. Il y a là, par exemple, l’amour de ma terre, parce que cela fait trois ou quatre ans que j’habite en France… J’ai donc composé une chanson en hommage à ma terre. Par ailleurs, à 35 ans – ce n’est pas que je me sente trop âgée ! –, je constate que je n’étais jamais arrêtée sur toutes les expériences qui me sont arrivées, autant les bonnes que les mauvaises… Il y a donc également de cela dans l’album, ainsi que deux chansons en français, dont une valse : c’est une langue que j’adore et que j’ai essayé d’apprendre. La valse me fait penser à un bal ; et le bal, pour moi, il fallait l’écrire en français !
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Auteur : Eric Guignet
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