Portrait
Crayons et pastels sont ses compagnons de route
Publié le

© Amélie Laurin - Ville de Tremblay-en-France
Sylvie Testamarck reçoit chez elle, dans son salon, qui est à la fois un « lieu de vie et de création ». Une pièce aux murs blancs, bien pourvue en fleurs. Ses derniers dessins, ainsi que ses crayons et ses pastels, qu'elle désigne comme ses « compagnons de route », sont à portée de main. « C'est ici que je dessine et prépare mes conférences, avec tous mes livres d'art autour de moi », précise celle qui habite Tremblay depuis 25 ans.
L'artiste a été diplômée de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, en 1984, section sculpture. Elle s'est consacrée à cet art jusqu'en 1992, date à laquelle elle s'est définitivement tournée vers le dessin. Un choix qu'elle dit ne pas avoir regretté par la suite. « La sculpture, c'est énorme, cela finit par prendre beaucoup de place ! Quoi qu'il en soit, le dessin est une aventure merveilleuse, qui a suivi les aléas de ma vie », fait valoir l'artiste, dont l'enfance a été marquée par les voyages.
« Je ne suis jamais restée trois années dans la même école en France », raconte celle qui, du fait d'un papa ingénieur, a vécu plusieurs expériences à l'étranger, en URSS, au Koweït et en Syrie. « J'ai beaucoup aimé notre année en Russie, près de Kaliningrad. J'avais alors 9 ans, beaucoup de copains-copines et tout le monde allait les uns chez les autres. Ma mère ne s'inquiétait jamais. Et j'ai encore en moi ces odeurs de pain, de vinaigre », se souvient- elle. Plus tard, elle a vécu cinq ans au Venezuela, à la fin des années 1980, après avoir épousé un Vénézuélien. « Nous étions partis dans l'idée de faire notre vie là-bas », confie la Tremblaysienne.
« Transmettre est un bonheur »
Mais tout ne s'est pas passé comme prévu. À cette époque, des manifestations y sont durement réprimées. Isolée dans la Guyane vénézuélienne, dans l’est du pays, Sylvie a la nostalgie de la France, de ses amis, et des livres aussi, qu'elle ne trouve pas dans ce coin isolé. « J'avais décidé de ne pas élever mes enfants dans un pays où l'on ne peut pas manifester librement et puis je voulais que mes enfants parlent la langue que je maîtrise. »
L'artiste est connue à Tremblay, pour ses expositions à l'hôtel de ville et aussi parce qu'elle anime des ateliers de dessin à l'Espace Caussimon, « avec des élèves qui me sont fidèles depuis de nombreuses années ». Elle assure également des conférences sur l'histoire de l'art, d'octobre à juin. Exemples des thèmes présentés cette année : « La vie et l'oeuvre du Caravage », « Le cubisme : une vision renouvelée », ou encore « Baroque et classicisme en peinture et sculpture ».
La plasticienne enseigne en outre l'histoire de l'art à l'université populaire Averroès de Bondy, qui propose des conférences gratuites et accessibles à tous, sur les sciences, les arts ou les grands thèmes de société. « Transmettre est un bonheur pour moi, j'ai beaucoup de chance ! Je suis ainsi dans une intériorité – exigée par le travail de création – et dans la transmission. C'est un privilège d'alterner entre ces deux pôles. » Et une bonne manière de s'occuper toute l'année, car la Tremblaysienne ne dessine que cinq mois par an, de mai à septembre, car elle travaille uniquement à la lumière naturelle.
Créer pour rester vivante
« Lorsque je commence un dessin, je ne sais jamais où je vais. Je ne suis pas une artiste conceptuelle : je ne fais en aucun cas de croquis préparatoire, explique-telle. La création, ce n'est pas seulement faire, c'est avant tout un état d'esprit, une vigilance, un regard sur les choses et les gens ». Mais pourquoi créer au juste ? « En créant, on touche une dimension intérieure dont on ne sait en définitive que peu de choses. Quand l'artiste crée, il décide de parcourir un chemin, quel que soit le mode d'expression qu'il choisit. Et si je transmets avec autant de passion, c'est pour proposer ce cheminement à tous. »
D’ailleurs, elle affirme avoir toujours su qu’elle serait artiste. « Nul message dans mes dessins. C'est une descente dans mon propre désordre intime indéfiniment prospecté. Dans ce chaos, je cherche simplement la justesse : le trait et la tonalité exacts tels que je ressens qu'ils doivent être. Cette quête – peut-être insensée – justifie tout. » Récemment, une phrase entendue elle ne sait plus où, l’a fortement marquée : « Être héroïque, c'est être soi-même ».
Pour le critique d'art Christian Noorbergen, « Sylvie Testamarck n'écarte pas ses obsessions, elle les affronte durement. Elle invente des semblances de chair tronquée et des organes aux allures de fleur ou d'insecte ». L'artiste admet d'ailleurs aimer l'intérieur des corps et rêverait d'assister à une dissection. En commentant son travail, sa dernière série de dessins en particulier, elle reconnaît « ne pas travailler sur le joyeux ». « Mais l'art n'est pas forcément gai », veut croire celle qui crée « pour rester vivante, pas seulement au sens physique du terme ».
Auteur : Daniel Georges